Bouli Lanners : "J'aimerais bien jouer plus souvent des sales types"
Dans "Chien" de Samuel Benchetrit et "Tueurs" de François Troukens et Jean-François Hensgens, le Liégeois incarne des personnages de salauds. Une première dont il s'explique. Il nous révèle aussi des éléments de son prochain film comme réalisateur, qu'il tournera en Ecosse.
- Publié le 04-12-2017 à 09h21
- Mis à jour le 05-12-2017 à 10h24
On a beau rencontrer Bouli Lanners deux ou trois fois par an, tant il est actif comme acteur et comme réalisateur, non seulement on ne s'en lasse pas, mais chaque entretien est toujours d'une rare richesse et l'occasion d'en découvrir un peu plus sur son travail et ses passions. Dans "Tueurs", le comédien s'est manifestement fait plaisir en jouant un commissaire Bouvy, qui traque une bande de braqueurs de fourgon, emmenée par Olivier Gourmet. A l'occasion de la promotion du film, il nous a accordé un double entretien - synthétisé ici. Plus sympa que Bouvy, Bouli n'en met pas moins dans le mille à chaque réponse.
Comme dans "Chien" de Samuel Benchetrit, vous incarnez de nouveau un sale type dans "Tueurs", alors que vous en aviez joué très peu. Cela ne peut pas être un hasard...
J'aimerais bien jouer plus souvent des sales types, désormais. C'est beaucoup plus jouissif, excitant et drôle à jouer. Parce que tu rentres dans un code qui fait sortir des choses que tu as en toi mais qui ne sont pas toi. C'est un vrai plaisir de jouer les salauds.
Ils sont plus dans la posture, alors que vous aimez bien jouer avec les mots...
C'est vrai. Je sais que j'ai une gueule et qu'il faut s'en servir. Nous sommes dans le langage du cinéma, ça doit être visuel. J'ai kiffé à faire ça. En plus, quand tu joues les méchants, les gens te respectent dans la rue. Le pire, ce sont les comiques. On leur tape dans le dos et ils sont obligés de faire une blague. Moi, je joue souvent les sensibles donc on est très sympathique avec moi, mais une fois que tu joues les méchants, les gens te respectent ! Là, ça devient intéressant (rire). Si tu incarnes un inspecteur des contributions, tout le monde a peur de toi et donc te respecte ! Le public fait un amalgame entre le vrai et le faux.
On risque de vous laisser tranquille en rue, vu le policier antipathique que vous incarnez...
J'ai vraiment construit mon personnage. C'était important de m'approprier Bouvy. François Troukens m'a fait confiance. Au début, il m'avait proposé un autre rôle, mais je voulais uniquement incarner Bouvy : celui-là, je le sentais pour moi. C'est un vrai salopard. Sans la moindre émotion. Ni aucune rédemption. C'est ça que j'aime. C'est un vrai salaud, jusqu'au bout.
Comme on en voyait dans le cinéma des années 70...
C'est pour ça aussi que je l'ai fait. On ne s'attend pas du tout à me voir dans cet univers-là. A mon âge, il faut explorer tout ce que je n'ai pas encore fait. Faire un film de genre, en Belgique en plus, c'est une opportunité que je ne pouvais pas laisser passer.
Quelles étaient vos références au moment d'imaginer le commissaire Bouvy ?
Je regarde énormément de films anglais et de séries américaines. J'aime la manière dont on y joue du non-dit, avec la voix basse, beaucoup plus sur le physique que sur les dialogues. Pour "Tueurs", il fallait s'en inspirer. Si on est dans le verbe, comme dans les films français, ça casse toute la dynamique du film. Regardez la gueule des personnages dans le film ! Olivier Gourmet, Johan Leysen ou moi, on a tous des gueules et dans les films de gangsters, c'est la gueule qui parle.
Dans l'histoire du film noir, y a-t-il un personnage qui vous a particulièrement marqué ?
Robert Mitchum dans "La Nuit du Chasseur" de Charles Laughton. Lui, en général, quand il faisait le méchant, il fait vraiment peur. Jack Palance, aussi, je l'aimais beaucoup. Et puis il y a tous les polars avec Robert De Niro. Il est toujours magnifique dans ses rôles de gangsters. J'aime moins l'époque d'avant-guerre, les James Cagney etc. Je préfère à partir du moment où les personnages sont plus incarnés, quand les mecs parlent moins. Il y a une densité qui est puissante. Ils jouent avec le corps, avec le physique, avec une voix très basse. J'aime ces méchants-là.
Avez-vous une veine de films ou un réalisateur dans le cinéma noir que vous préfèrez ?
Je suis plus romans noirs que films noirs. Et je lis principalement des polars anglo-saxons, américains. J'ai lu des trucs très, très noirs, qui ne se retrouvent pas forcément dans mon cinéma. Ce que j'aime bien dans le polar, ce n'est pas tant l'aventure policière que l'exploration des tréfonds de l'âme humaine comme dans les romans de James Ellroy. Tu vas là où tu ne vas jamais. C'est ça qui m'intéresse. J'ai plus de mal avec le roman noir français, sauf Manchette, parce que les décors sont plus familiers et ça ne me fait pas rêver, ça ne titille pas mon imaginaire. J'aime bien Deon Meyer, qui est Sud-Africain, parce que c'est un contexte que je ne connais pas, il y a une diversité ethnique, cela donne quelque chose d'original. Dans le roman noir américain, il y a aussi l'étendue, qui ouvre sur la fuite ou l'exil. Ou les romans noirs irlandais comme "Les Fantômes de Belfast", de Stuart Neville. Et puis il y a le roman noir scandinave, notamment le couple de Suédois Maj Sjöwall et Per Walhöö ("Les enquêtes de l’inspecteur Martin Beck "), dont les romans courent des années 60 aux années 80, ou Camilla Lackberg. Ce sont des romans plus chirurgicaux, où la famille revient souvent, comme dans leur cinéma.
"Tueurs" est toutefois à l'opposé du vôtre...
Ce n'est pas du tout mon cinéma, en effet, mais j'adore jouer dans des films très différents des miens. C'est d'ailleurs ce qui m'excite. C'est pour ça que j'ai tant aimé jouer dans des grosses comédies comme Astérix. Le plaisir, c'est d'aborder d'autres registres. Cela me fait découvrir des choses différentes et de continuer à apprendre mon métier. Ici, par exemple, j'ai dû m'entraîner au tir et à bien tenir un revolver. C'est enrichissant. C'est ce qu'il y a de vraiment bien dans ce métier : quand tu fais un film, tu t'immerges dans un monde. Pour "Réparer les vivants", je me suis immergé dans le monde médical, puis j'ai tourné à Forbach et j'ai découvert cet univers-là, ensuite j'ai joué un homosexuel dans le film de David Lambert et j'étais dans le milieu gay. Ici, je vivais dans le monde des gangsters et des flics, et c'est vraiment instructif.
C'est compliqué de changer de registre comme ça ?
Au contraire. Pour moi, c'est plus difficile de continuer dans le registre dans lequel on m'a le plus souvent installé, parce qu'il faut innover dans ce qui a déjà été fortement balisé. En passant à autre chose, je peux tout essayer, je suis vierge. Personne ne m'a encore vu comme ça. Je peux donc aller à gauche ou à droite, ce sera de toute façon surprenant. Dans "Chien" de Samuel Benchetrit, j'incarne une crapule très différente. Papillonner comme je veux, c'est beaucoup plus facile.
Qui avez-vous rencontré lors de la préparation ?
On ne croise pas facilement les gens de ces milieux-là, mais j'ai été voir François Troukens plein de fois en prison, j'ai découvert le monde carcéral, je me suis entraîné au tir, je suivi des formations de police, j'ai reçu plein de renseignements sur les braquages, toutes ces données auxquelles on n'a généralement pas accès. C'est vraiment ce qu'il y a de plus chouette dans ce métier : tout ce qu'on y apprend.
Vous êtes un bon tireur ?
Oui. J'ai toujours aimé tirer, notamment à la carabine à plomb. J'en ai une assez puissante, chez moi. J'aime bien tirer à l'arc aussi. C'est très zen. Après une heure de tir, on est crevé, tant cela demande de la concentration.
François Troukens est un ancien truand, moins expérimenté que vous comme réalisateur. C'était particulier ?
Oui, mais il travaillait avec Jean-François Hensgens. François Troukens possédait tout le savoir au niveau du vécu et Jean-François Hensgens connaissait mieux le plateau, même s'il n'était pas non plus réalisateur. Il avait déjà participé à la mise en place de scènes d'actions dans Go Fast, par exemple, donc je savais que ce serait nickel. Après, je m'interrogeais sur les dialogues avec les comédiens, mais cela s'est déroulé en douceur parce que nous avions vachement bien construits nos personnages et que nous tracions.
Qu'est-ce qui selon vous distingue "Tueurs" des autres films de gangsters ?
Tout ce qui techniquement est lié aux préparatifs, à cet univers. Tous les petits détails, comme la manière dont en prison il prépare son évasion, la manière dont il attrappe le fil, la façon dont on parle dans la cour etc. Tout cela vient du réel, du vécu. Cela, aucun scénariste classique n'aurait pas pu l'apporter. C'est l'apport de François. Nous nous sommes beaucoup rencontrés avant le tournage et ensuite, pour ma part, il y a eu un gros travail individuel. François est venu avec beaucoup de récits de vie, du passé, des explications du milieu, des relations entre les gangsters et les flics. Il a aussi ajouté des détails qu'il avait péchés et qu'on n'a pas toujours retenu. Sur base de toutes ces infos, je me suis construit mon personnage. Je me le suis approprié. Pour certains films, il faut lâcher tout, se laisser aller, se laisser guider en confiance, et pour d'autres, il faut se construire un personnage et garder sa ligne. Ici, j'ai gardé ma ligne.

Certaines scènes sont étonnantes. Comme le piège très mal tendu à Olivier Gourmet sur une autoroute, par exemple. Ou une évasion particulièrement facile...
Tout est vrai. C'est hallucinant mais vrai. Au niveau de la véracité et de la manière de se comporter, François Troukens était hyper attentif au moindre détail. Jusqu'au type de flingue ou la manière de le porter. A un moment donné, c'était même trop précis. Si on respectait tout ce qu'on avait appris à l'entraînement, cela ne fonctionnait pas. Par exemple, quand on arrive dans un couloir arme à la main, il faut se faire un peu petit, être plutôt penché. Mais non, ça ne va pas ! Ce n'est pas cinématographique. Je suis Bouvy, un personnage de film. Quand je rentre dans le tunnel, je reste bien droit, debout, et je tire sans état d'âme. François Troukens était très attentif au réalisme, mais parfois, quand c'est réel, ce n'est plus cinématographique et donc, il faut se réapproprier la scène. Même si ce n'est pas logique, je marche droit parce que je suis Bouvy et que je dois buter quelqu'un.
On pense - et François Troukens le cite - à "Heat" de Michael Mann. C'est le film de la rencontre De Niro-Pacino. Ici, on a la rencontre Gourmet-Lanners. C'était une scène comme une autre pour vous ?
Nooon ! Elle est même très particulière cette scène, parce que je l'ai écrite. Elle n'était plus dans le scénario. Moi je trouvais qu'elle manquait, qu'il fallait cette confrontation entre le personnage d'Olivier et le mien. On en a discuté avec François. Gourmet était d'accord avec moi. le leur ai dit, c'est tout simple : champ/contre-champ. On la tourne en une heure. Et finalement, j'ai écrit les dialogues, qui ont été validé par François et Jean-François Hensgens. En plus, Olivier c'est un pote. On a jamais eu de confrontation et là on avait la possibilité. C'est extrêmement jubilatoire d'écrire des dialogues de méchants. C'est dégueulasse ce que je dis, mais c'est excitant à écrire. Pour moi, c'est vraiment une scène clé.
Tourner un tel film dans un contexte sécuritaire comme celui qu'on connait est-ce que cela met une pression supplémentaire ?
Le tournage de ce type de film est chargé déjà à la base. Des scènes d'action, ça prend du temps et on a peu l'habitude de ce genre de film en Belgique francophone. C'était compliqué à tourner. Et puis, le thème du film, c'est vrai que c'était casse-gueule. C'est un sujet risqué. Mais avec un personnage comme François, qui a vécu en prison, qui a le parcours qu'on connait, je dirais qu'il y avait une légitimité dans le traitement. Le projet devenait d'une certaine manière excitant, d'un point cinéma. Sur le plateau, on était dans l'instant et on ne se posait plus de question. On y allait.
Le film est incroyablement servi par l'actualité sur les Tueurs du Brabant...
Oui, c'est incroyable. En plus, c'est le géant qui balance, comme dans le film. La théorie est la même, mais François Troukens était vraiment bien documenté. Durant ses années de prison, il y a des choses qui se disent et il était très au fait de plusieurs possibilités. Déjà évoquées dans les journaux à l'époque. Il n'y a pas non plus 36 000 solutions. Sans avoir les preuves, on se doute que deux ou trois personnes ont noyauté l'enquête et que certains étaient infiltrés pour la CIA. On sait que c'est ça qui s'est passé, comme on sait plus ou moins comment Kennedy a été assassiné sans en avoir les preuves exactes. Les personnages vieillissent, les langues se délient, des petites infos apparaissent, et ce qui s'est passé dernièrement concernant les Tueurs du Brabant relaie ce qu'on montre dans le film.
Comment avez-vous vécu les tueries du Brabant ?
J'avais 16 ans lors de la première attaque, en mars 1982. C'était une période bizarre, avec les CCC, la gendarmerie qui était une espèce d’État dans l’État. On disait déjà à l'époque que la deuxième vague d'attaques, en 1985, était différente de la première, qu'elle était infiltrée par la CIA qui estimait que la Belgique était trop laxiste au sein de l'Otan et que la police le savait depuis le début. C'était une période trouble. Dans nos jeunes têtes, cette idée du grand complot nous excitait beaucoup. On allait au Delhaize, on pouvait donc se faire attaquer n'importe quand. Moi, cela m'a beaucoup marqué. Surtout que c'est dans ces années-là que j'ai commencé à fréquenter Bruxelles. La parano commençait à s'installer. A l'époque, il n'y avait pas les réseaux sociaux et tout se passait via le bouche-à-oreille. C'était une époque particulière. Personnellement, je ne crois pas à la théorie du gros complot. Il suffit de quelques personnes pour déstabiliser un système et mettre le bordel. On le voit avec les cellules jihadistes. Souvent, ce sont des petits groupes, des familles ou des copains, et même si la cellule est idéologiquement apparentée à Daech, cela reste très peu de monde. Pour les tueries, je pense que c'est la même chose. Les tueurs répondaient à une idéologie d'extrême droite mais le groupe en lui-même était très restreint. Cela suffit à déstabiliser la société. Et amener le vote de lois sécuritaires. La parano engendrée par les attentats a fait qu'on a moins de liberté, qu'on est beaucoup plus surveillé par les caméras. Il y a aussi plus d'écoutes. Tout est permis, maintenant. Et on finit par le vouloir ! Avec ce sentiment de parano, on est content d'être filmé partout, surveillé. Mais on va le payer : on ne reviendra jamais en arrière pour tout débrancher.
Vous vous battez contre le nucléaire. Peu de personnes peuvent-elles, là aussi, changer les mentalités ?
Je l'espère mais se battre contre le nucléaire, c'est David contre Goliath. C'est Independence Day, un vaisseau spatial d'une puissance absolue. Face aux lobbys, aux compromis, aux accords financiers, je suis très peu de chose. Mais si une multitude de gens continuent à faire comme moi, quelque chose va changer dans la perception du nucléaire. Pour l'instant, sur le sujet, il n'y a qu'une seule communication, gérée par le Forum sur le nucléaire. Et parfois, elle s'apparente même à du révisionnisme. Certains sites français prétendent que les 18.000 morts de Fukushima ne sont pas dus au radiations mais uniquement à des accidents. C'est du révisionnisme. La campagne de désinformation est très forte. Moi, en tant que Bouli Lanners, je peux juste amener dans le domaine public, sur le devant de la scène, ce que d'autres crient depuis des années sans qu'on les écoute. Après, quand il y a les deux avis, les gens peuvent faire leur choix. Cela me semble important qu'on écoute aussi ceux qui n'ont pas la parole ni les moyens d'acheter des pages avec des fausses interview dans les médias. Mon rôle c'est ça, pas plus. Je n'ai pas la science infuse, mais un minimum de bon sens. Je ne suis pas le dernier des crétins, en tant que citoyen, j'ai le droit d'exprimer un avis pour qu'on se réapproprie le débat monopolisé par les technocrates. Il faut surtout apporter cette contre-information.
Internet est un outil extraordinaire, pour ça...
Ma femme m'a filmé avec mon iPhone, on a mis ça sur une page Facebook créée pour la sortie de mon film et dont je ne me servais jamais, et tout d'un coup, cela a fait le buzz. Cette vidéo n'est pas sexy : je parle face caméra avec une image un peu pourrie. Cela veut dire qu'il y a une attente pour ce type de communication, que les gens ont besoin d'entendre des contre-informations vulgarisées. Il m'a fallu des mois pour comprendre tous les problèmes techniques et chiffrés. Il faut sortir de ce débat-là, parler déontologie et avoir le recul de l'histoire. Après, on peut se faire une idée de ce qu'est vraiment le nucléaire. Quand ily a un danger, il faut le dire. Je ne suis pas alarmiste, mais il faut savoir ce que cela implique. En 2003, on avait signé pour la sortie du nucléaire en 2015, puis cela a été reculé à 2025 mais il y a fort à parier que la ministre veuille prolonger certains réacteurs jusqu'en 2035. C'est ce que la FEB et la N-VA veulent. Mais il y a deux problèmes avec le nucléaire. Tout d'abord, la dangerosité. Si ce n'était pas dangereux, il n'y aurait pas autant de mesures de sécurité. Donc, même si on nous dit qu'on ne risque rien, c'est dangereux. Des accidents sont toujours possibles, surtout avec la vétusté. Ensuite, et surtout, il y a le déchet nucléaire. Il va tuer la vie pendant des milliers d'années. Et il n'existe aucune solution actuellement, à part les enterrer ou les enfouir au fond de la mer. Des solutions du moins pire, puisque ce sont les suivants qui vont payer. Si on impactait l'entretient des déchets pendant des siècles sur le coût du kw/h, on aurait l'énergie la plus chère de tous les temps. Enfin, il faut rappeler que ce n'est pas une énergie verte. Contrairement aux énergies fossiles, qui produisent beaucoup de CO2, l'énergie nucléaire n'en produit presque pas. C'est vrai. Mais elle est dangereuse et certainement pas verte pour autant. Cet axe de communication m'énerve : c'est du mensonge.
Qu'est-ce qui vous fait rêver professionnellement ?
Mon prochain film. Un thriller. J'avais dit que j'arrêtais mon cycle auteuriste et c'est ce que je fais. Je pars en Écosse le 8 décembre pour m'isoler pendant deux mois sur l'île de Lewis, dans le Nord, pour écrire. J'ai acheté les droits d'adaptation d'un roman de Peter May, qui avait rédigé La trilogie écossaise, dont j'adapte le dernier roman, "Coffin Road" en anglais et "Les disparus du phare" en français, un très mauvais titre. Cela se passe dans un milieu militant écologiste, mais plutôt lié à des sociétés comme Monsanto. Ce sera donc un thriller écologique, mais avec une affaire de famille. Ce qui m'intéresse, ce sont les rapports humains entre un père et une fille dans ce cadre-là. Ce n'est pas un film militant ni un documentaire à charge. J'ai juste envie de parler de l'humain, de la résistance aujourd'hui. Je me suis toujours demandé ce que Jean Moulin pensait au moment où il allait mourir après avoir été torturé par les nazis. Il se rendait compte que rien n'était gagné et il a dû se demander : Est-ce que cela en valait la peine ? C'est une question que je me pose depuis toujours : Résister, est-ce que cela en vaut la peine ? J'espère que le film apportera une réponse.
Il se tournera en Écosse ?
Je suis amoureux de ce pays, où je me rends une fois ou deux par an. J'ai donc enfin trouvé une excuse pour tourner un film en Écosse. Et je peux rester dans ma culture puisque c'est l'histoire d'un Belge qui vit là-bas. La moitié du film sera tournée à Bruxelles, l'autre en Écosse. C'est super car je peux maîtriser la culture. Comme mon personnage, je pars d'ailleurs m'exiler deux mois en Écosse. Cela ne va pas être glamour : c'est au Nord de l'île de Lewis, qui est déjà au Nord de l’Écosse, il y fait noir à 3 h, il n'y a rien, c'est presbytérien, le samedi et dimanche, c'est fermé et on y parle en gaélique. Cela va vraiment être un ermitage. Ce sera mon "Taxi mauve", un film que j'adorais...
Vous y participerez en tant qu'acteur ?
Oui, dans un tout petit rôle. J'ai besoin de tous mes moyens pour la mise en scène.
Et après ?
J'écris une série, qu'on va essayer de développer assez vite et qui s'appelle "My Happiness". Elle se tournera à Liège, plus dans l'esprit d'"Eldorado", avec tous mes amis, comme Philippe Rebbot, et ce sera plus drôle, sur la vie des mecs de 55 ans. C'est aussi un projet qui m'excite beaucoup. Ensuite, parmi les projets, il y a la comédie musicale de Samuel Benchetrit dans laquelle je devrais peut-être faire des claquettes. J'ai la chance de dire non à des films et de m'engager dans ce qui m'intéresse, même si c'est un petit rôle comme dans "Petit paysan". C'est très beau et j'aimais la cause car je viens d'un milieu paysan. Et le film fait 500 000 entrées en France. Cela veut dire que les gens ont aussi besoin de voir ça. Et que quand c'est bon, ça marche.