"When the Day Had No Name" : L’ennui à Skopje
Publié le 13-12-2017 à 07h53 - Mis à jour le 13-12-2017 à 07h57
La Macédonienne Teona Strugar Mitevska livre un portrait triste de la jeunesse de son pays.
Carton : “Le 12 avril 2013, le jeudi saint avant Pâques, les corps de quatre adolescents sont retrouvés près d’un lac à la sortie de Skopje. Ils étaient partis pêcher. Le fait divers a divisé profondément la société macédonienne. Mais le film ne parle pas d’eux…” “When The Day Had No Name” ne s’intéressera en effet pas à résoudre ce crime. Il s’intéresse plutôt à décrire l’environnement dans lequel évoluaient ces quatre gamins avant de rencontrer leur funeste destin.
Le film débute 24 heures plus tôt. On suit un groupe de six adolescents de Radichani, quartier de la banlieue de Skopje, dont un handicapé moteur. Ils se font une joie d’aller pêcher le lendemain au petit matin. Avant cela, ils décident de faire un arrêt dans un immeuble miteux. Là, tour à tour, ils vont passer sur le corps juvénile d’une prostituée mineure. Soi-disant pour devenir des hommes. Et la nuit de se poursuivre…
Son quatrième long métrage, la cinéaste macédonienne Teona Strugar Mitevska (découverte en 2009 avec le très beau “Je suis de Titov Veles” ) le construit entièrement autour de cette scène dure, que la réalisatrice filme de façon frontale et qu’elle étire durant près de 25 minutes. L’effet n’est pas gratuit, il est glaçant ! En effet, alors que l’on croit assister aux dernières heures de jeunes victimes de la stupidité et du nationalisme – le fait divers dont elle s’inspire impliquait la question de l’albanophobie –, on découvre les démons d’une jeunesse gagnée par l’indifférence, l’individualisme. Et peut-être plus encore l’ennui.
Très dur, “When the Day Had No Name” est porté par une mise en scène au cordeau et une bande-son angoissante. Dès les premières minutes, le film parvient à instiller une tension sourde. Et ce même quand la cinéaste enregistre des situations anodines. Quand Teona Strugar Mitevska filme sont ces corps masculins, le langage corporel d’une jeunesse incapable de s’affranchir du regard de la société macédonienne sur la masculinité. On se frappe, on s’insulte. On se frôle aussi parfois. Mais pas question de céder à une attirance mutuelle, au risque de passer pour un faible…
Le regard que porte Teona Strugar Mitevska sur la jeunesse de son pays est véritablement désespéré. Car aucun avenir n’est offert à ces jeunes tristes, qui ne trouvent aucun plaisir, ni quand ils baisent, ni quand ils boivent… Une jeunesse qui semble aussi malade que la société dans laquelle il évolue, où les parents, abrutis par la télévision, ne peuvent servir de modèles à des gamins délaissés privés de rêves. Qui ne songe même plus à partir, juste à tromper son ennui…

Réalisation : Teona Strugar Mitevska. Scénario : Teona Strugar Mitevska Elma Tataragic. Photographie : Agnès Godard. Musique : Jean Paul Dessy. Montage : Stefan Stabenow. Avec Leon Ristov, Hanis Bagashov, Dragan Mishevski… 1h31.