Que retenir des Golden Globes post-scandale Weinstein?
Publié le 09-01-2018 à 08h52 - Mis à jour le 09-01-2018 à 08h57
:focal(465x240:475x230)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/VIQLOULWDFCMRDXAJDVEZGYM7Y.jpg)
Les Golden Globes ouvrent chaque année la saison des prix de l’industrie américaine du divertissement. Leur 75e cérémonie de remise s’est tenue dans la nuit de dimanche à lundi. C’était la première du genre à se tenir depuis qu’a éclaté le scandale Harvey Weinstein en novembre et que se sont multipliées les révélations de harcèlement et violences sexuels à l’encontre de plusieurs personnalités du monde du spectacle et de la politique. La grande famille hollywoodienne fait, depuis, acte de contrition, sur l’air de "plus jamais ça". Forcément, la tonalité des Gloden Globes - des prix qui sont décernés par l’association de la presse étrangère à Hollywood - était différente cette année-ci. Voici ce qu’on peut en retenir.
Des saillies directes mais timorées
Dès sa phrase d’introduction, le maître de cérémonie de la soirée, l’humoriste Seth Meyers, est entré dans le vif du sujet : "Bonsoir Mesdames et aux Messieurs qui restent. C’est une nouvelle ère qui commence et j’en sais quelque chose parce que c’est la première fois depuis des années qu’un homme blanc est aussi nerveux à Hollywood." Faisant allusion aux révélations quasi quotidiennes depuis novembre, Meyers a ajouté à l’intention des nominés masculins de la soirée : "Ce sera la première fois depuis trois mois que je ne redouterai pas d’entendre prononcer votre nom."
Sans fard ni vergogne, Seth Meyers a tiré sur le corbillard de "l’éléphant qui n’est plus dans la pièce", suscitant des huées (d’approbation) en raillant le retour futur d’Harvey Weinstein "dans vingt ans quand il deviendra la première personne jamais sifflée durant le Mémorial", la traditionnelle séquence des Oscars dévolue aux défunts de l’année.
Meyers n’a pas tourné autour du pot. Mais n’est guère sorti du rituel des petites blagues plus ou moins fines, sans oser aller au-delà de ce qui est déjà connu ou réglé. Pas un mot, par exemple, sur le silence plus ou moins complice de l’ensemble de la caste hollywoodienne sur des actes qui, vu leur ampleur, étaient manifestement connus d’un large nombre.
Des œuvres féminines primées
On ne peut exclure dans le choix des prix (et des œuvres non-primées) des considérations liées au contexte présent, sans dénigrer pour autant la qualité des artistes ou des œuvres récompensés.
En salles ce mercredi (*), "3 Billboards : les panneaux de la vengeance" est le grand gagnant de la soirée, avec quatre Golden Globes, dont celui du meilleur film. Cette comédie acerbe du Britannique Martin McDonagh, faisant voler en éclats l’hypocrisie qui ronge une petite ville du sud des Etats-Unis, a permis à Frances McDormand, magistrale à l’écran, de s’imposer dans la catégorie meilleure actrice dramatique.
"Lady Bird", fable douce-amère sur une ado tourmentée signée Greta Gerwig, a reçu le prix de la meilleure comédie et a valu à son interprète, Saoirse Ronan, le Golden Globe de la meilleure interprétation dans cette catégorie. A contrario, on peut se demander si l’absence de tout prix à "The Post" de Steven Spielberg, avec Tom Hanks et Meryl Streep, n’est pas la conséquence des reproches publics sur le silence de cette dernière dans le contexte de l’affaire Weinstein.
Noir de rigueur
Plusieurs personnalités féminines avaient annoncé leur intention de se vêtir de noir pour cette soirée, en hommage aux victimes des prédateurs sexuels. Aussitôt, leurs homologues masculins avaient renchéri - au prix de quelques railleries, le smoking noir étant déjà l’uniforme classique de la majorité des stars masculines…
D’aucun ont trouvé la parade, revêtant aussi des chemises noires, à l’instar par exemple de Gary Oldman, primé pour son interprétation de Winston Churchill dans "The Darkest Hours". Le geste symbolique, presque unanimement appliqué, n’est pas passé inaperçu dans les plans larges de l’assemblée et sur les photos du tapis resté bien rouge, lui.
Et si Laura Dern, Amy Poehler, Susan Sarandon, Meryl Streep, Emma Stone, Emma Watson, Michelle Williams et Shailene Woodley ont chacune défilé, main dans la main, avec une activiste du droit des femmes, la cérémonie a conservé son caractère festif et glamour.
Car, oui, comme l’a dit aussi Seth Meyers, "the show must go on" - mot d’ordre qu’Hollywood n’est pas près de remiser au placard.Alain Lorfèvre
(*) "3 Billboards" a aussi permis à Sam Rockwell de s’imposer dans la catégorie meilleur second rôle masculin. On lira la critique du film et son interview demain en "Libre Culture".