"La surface de réparation" : L’instant du penalty
Publié le 24-01-2018 à 08h26 - Mis à jour le 24-01-2018 à 08h31
Un homme laisse filer sa vie et se retrouve, 10 ans plus tard, au moment de prendre ses responsabilités. Avec Franck Gastambide qui monte de division.Cinéma et football font rarement bon ménage, surtout près de la pelouse. Aussi Christophe Régin, s’éloigne-t-il du terrain et de ses stars - on ne verra pas d’images de match - pour observer un personnage de l’ombre. Son job n’a pas de nom, il n’existe pas dans l’organigramme et pourtant, il est un rouage capital du club.
Qui cherche un joueur quand il a disparu dans la nuit ? C’est Franck ! Qui surveille l’entrée des night-clubs pour empêcher les jeunes talents d’y entrer ? C’est Franck ! Qui donne un coup de main aux supporters pour leur banderole ? C’est Franck ! Qui fait le tour des clubs à la ronde pour repérer les jeunes talents ? C’est Franck !
Franck est l’homme à tout faire, mais dans l’ombre. D’ailleurs, on le paie avec des tickets qu’il revend à la sauvette, on le loge dans le luxueux appartement de l’un ou l’autre joueur loué à un autre club pour une saison.
Surnommé le pitbull, il dessine la géographie footballistique de Nantes, qui va du centre d’entraînement au stade, en passant par le café des supporters, le bureau du manager et le parking de la boîte de nuit.
Un jour, dans un hôtel de passe fréquenté par les joueurs, il croise la route de Salomé, le genre de filles qu’il connaît par cœur, celles qui traquent le footeux. Qu’est-ce qu’elle a de plus que les autres ? Ils se ressemblent. Elle aime se faire baiser par un n°10 et lui, c’est par tout le club.
Christophe Régin signe un premier film, modeste et enthousiasmant. Dans ce monde du foot qui oscille entre démesure financière et café du commerce, il s’est trouvé un angle d’attaque pour parler de sport - pas si fréquent dans le cinéma européen - et surtout brosser le portrait d’un homme qui laisse filer sa vie. Et un jour, il doit prendre ses responsabilités, comme un footballeur au moment du penalty.
Le titre témoigne de la subtilité de l’approche. La surface de réparation, c’est évidemment celle où se déroule la faute mais c’est aussi celle où l’on obtient réparation. Régin manie la métaphore, comme Franck conduit sa Rover, une vieille voiture qui transporte encore ses rêves de gloire, une marque qui en jette mais un modèle insignifiant.
Franck Gastambide s’impose de façon convaincante dans cette œuvre plutôt subtile, donnant une épaisseur et une amertume à toutes les facettes de son personnage : supporter indéfectible de son club, homme plein de ressources pour faire face à toutes les situations, individu qui remplit chaque minute de sa vie pour ne pas devoir affronter son vide. L’acteur se montre à la hauteur de ce transfert dans une division supérieure à la "Kaïra".
Quant à Christophe Régin, il a écrit un scénario avec beaucoup de chair humaine, il signe une réalisation atmosphérique - choix judicieux de tourner en hiver - et il montre beaucoup de flair dans le choix de ses acteurs : Franck Gastambide, Hippolyte Girardot et Alice Isaaz qui sait saisir sa chance.
Pour son premier film, Christophe Régin atteint son but.

Réalisation, scénario : Christophe Régin. Avec Franck Gastambide, Alice Isaaz, Hippolyte Girardot… 1h34