Un vent nouveau souffle sur le Bifff
Publié le 28-03-2018 à 08h26 - Mis à jour le 28-03-2018 à 12h08
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Une page se tourne au Festival international du film fantastique de Bruxelles (Bifff), dont la 36e édition se déroulera du 3 au 15 avril prochains à Bozar. La génération qui a créé le festival en 1983 est en effet atteinte par la limite d’âge. Cadre d’une asbl oblige, Georges Delmotte et Freddy Bozzo, deux des pilliers du festival, qui l’ont porté sur les fonts baptismaux et l’ont accompagné pendant 35 ans depuis sa création aux Halles de Schaerbeek, ont dû prendre leur retraite, tout comme Annie Bozzo il y a deux ans…
Si Guy Delmotte reste président du Bifff, ses fidèles lieutenants ont dû passer la main à la jeune génération. Chris Orgelt a ainsi pris le relais, la barbe en moins, de Freddy Bozzo, à la direction de la programmation, secondé par Youssef Seniora et Jonathan Lenaerts. Il n’y a pas eu de putsch pour autant au Bifff. Ce sympathique Flamand à l’accent chantant parle plutôt de la continuité, rappelant que cela fait 26 ans qu’il est membre de l’équipe du festival. Lequel reste l’un des plus grands rendez-vous mondiaux du cinéma de genre. En témoigne cette année encore, le nombre record de films soumis. A travers les différentes sections (Compétitions internationale, européenne, 7e Parallèle, courts métrages…), l’équipe de programmation en a retenu une bonne centaine.
Jonathan Lenaerts met l’accent sur la diversité de cette sélection mais aussi sur le reflet qu’elle propose des préoccupations qui traversent la société contemporaine. Féminisme, migrants, montée des nationalismes sont autant de thèmes qui parcourront cette 36e édition. Même si – que les fans se rassurent – zombies, vampires et autres morts-vivants assoiffés de sang seront bien évidemment de la partie. “Il n’y a a priori pas de lien direct avec l’affaire Weinstein, explique Jonathan Lenaerts, mais c’est vrai que cette année, on n’a jamais eu autant de femmes ‘badass’ (dures à cuire) dans le cinéma de genre.” Que ce soit la gamine tueuse de géants de “I Kill Giants” d’Anders Walter ou Nicole Kidman, déguisée en David Bowie dans l’improbable “How to Talk to Girls at Parties” de John Cameron Mitchell (“Rabbit Hole”), qui mêle aliens et esthétique punk.
L’un des moments des plus attendus de cette édition 2018, ce sera évidemment la venue à Bruxelles de Guillermo Del Toro, dont la master-class du 11 avril à Bozar a été sold-out quelques heures seulement après la mise en vente des billets. Présent à Bruxelles en 1994, le Mexicain n’avait pas pu rester jusqu’à la fin du festival pour recevoir son Corbeau d’argent pour “Cronos”. Il viendra donc le récupérer avec 24 ans de retard ! Entre-temps, le cinéaste est évidemment devenu, il y a quelques semaines, le troisième Mexicain en 5 ans à décrocher l’Oscar du meilleur réalisateur pour le magnifique “La forme de l’eau”, également Oscar du meilleur film.
Une forme de reconnaissance enfin accordée au cinéma de genre, estime Chris Orgelt, qui prouve qu’il ne s’agit pas seulement d’un pur divertissement pour ados boutonneux en mal de sensations fortes. “Je me souviens, il y a encore 15 ans, certains pouvoirs publics étaient réticents à l’idée de soutenir le Bifff, estimant que le fantastique, ce n’était pas vraiment de la culture…” En vrai geek, Del Toro sera bien là à Bruxelles pour prouver le contraire, lors de sa master-class mais aussi, le lendemain, pour la projection de “Cronos”.
Présent chaque année en Argentine, qui sera notamment représentée cette année au Bifff par le film “Terrified” de Demain Ruga, Chris Orgelt sent monter une vague fantastique en Amérique du Sud. “Désormais, chaque pays vient avec ses propres mythologies, ses propres peurs, plutôt que de se conformer, comme il y a 10 ou 15 ans, aux codes hollywoodiens”. Parmi les films les plus durs montrés cette année au Bifff, on trouve ainsi “Trauma”, film gore chilien de Lucio A. Rojas qui évoque de façon radicale la dictature de Pinochet. Tandis que le Mexique aura droit à un focus spécial.
Si l’Asie – Corée du Sud et Hong Kong en tête, au détriment du Japon – fournit toujours un quart de la programmation du Bifff, les organisateurs saluent également la forte présence belge dans les coproductions internationales. Que ce soit dans “Muse” de l’Espagnol Jaume Balagueró (“Rec”) ou “I Kill the Giants” (produit par Chris Columbus), tous deux montrés en avant-premières à Bruxelles. Mais aussi dans “Mandy” de Panos Cosmatos (avec Nicolas Cage) ou “The Man Who Killed Don Quixote”, le très attendu nouveau film de Terry Gilliam, quinze ans après le fiasco de sa première tentative d’adaptation de Cervantes avec Johnny Depp et Jean Rochefort.
Deux productions qu’aurait adoré pouvoir projeter le Bifff, qui avoue avoir de plus en plus de mal à convaincre les majors de lui confier leurs films. Comme c’était encore le cas il y a quelques années avec l’avant-première de “Star Treck” en 2009 ou “Oblivion” avec Tom Cruise en 2013… Cette année par exemple, la Fox demandait trop cher pour présenter au Bifff “L’île aux chiens” de Wes Anderson… En ouverture, le 3 avril à Bozar, on trouvera donc une production française, “Ghostland” du Français Pascal Laugier. Lequel marque le retour au cinéma de la chanteuse Mylène Farmer un quart de siècle après “Giorgino” de Laurent Boutonnat, qui était déjà un film d’horreur…
Les rendez-vous
Samedi 7 avril. Cette année, le 33e Bal des Vampires se déroulera in situ, dès 21 h dans le cadre prestigieux du Palais des Beaux-Arts. C’est Horta qui doit se retourner dans sa tombe ! Entrée : 15 €.
Mercredi 11 avril. Déjà sold-out, la master-class de Guillermo Del Toro, en présence de Fabrice Du Welz, sera l’un des grands moments de cette 36e édition. Le lendemain à 14 h, le Mexicain sera présent pour la projection de son film "Cronos".
Vendredi 13 et samedi 14 avril. Pour la deuxième année, le Bifff accueillera le festival Boulevard du Polar. Parmi les invités, l’auteur sud-africain Deon Meyer (qui sera là en avant-première le 9/4 pour présenter son dernier film "Jagveld"), Serguei Dounovetz (qui a repris la série "Nestor Burma") ou encore Ian Manook (créateur du commissaire Yeruldelgger).
Samedi 14 avril. C’est une tradition bien établie désormais ! Cette année encore, le ZomBifff Day accueillera les Zombiffflympics à partir de 12 h au Parc Royal. Avis aux amateurs de lancer de colonne vertébrale et de tir de viscères de jeunes mariés. La journée se terminera à 21 h 30 par la projection de "Return to Return to Return to Nuke’Em High Aka Vol. 2" du président du jury Lloyd Kaufman. Cette année, la Nuit fantastique propose à nouveau quatre films bien barrés pour les cinéphiles insomniaques. L’horreur débute à 23 h au fin fond de la Louisiane avec l’inquiétant "Victor Crowley" d’Adam Green.
Dimanche 15 avril , de 10 h à 20 h 30. Pour la 7e année, le Bifff accueillera un marché du manga et de l’heroic fantasy. Pour faire le plein de BD, de posters, de comics et autres DVD. En ce jour de clôture et dans le cadre de l’exposition Star Wars Identities au Heysel, qui s’ouvre ce 2 avril, la 501e garnison de FanWars s’invitera également à Bozar.
Tour du monde de l’horreur
Ouvertures. Le 3 avril, le Bifff s’ouvrira dans la salle 1 avec Ghostland, nouvelle réalisation très gore de Patrick Laugier, avec Mylène Farmer dans l’un des rôles principaux. Salle 2, casting de choix au menu de The Gringo de Nash Edgerton : David Oyelowo, Charlize Theron et Joel Edgerton.
Clôtures. Le 15 avril, avant de raccrocher leurs faux crocs et de remettre leur cape au placard, les fans du Bifff pourront découvrir Marrowbone de l’Espagnol Sergio G. Sanchez et le manga japonais Maquia par Mari Okada et Toshiya Shinohara.
Hors compétition. Cette année, parmi les 33 films projetés en séances spéciales, on attend ardemment Before We Vanish, le nouveau Kiyoshi Kurosawa, Human, Space, Time and Human de Kim Ki-duk, Jungle de Greg McLean (avec Daniel Radcliffe), Muse de l’Espagnol Jaume Balagueró ou encore Veronica de son complice Paco Plaza.
Rétrospective Kim Jee-woon. Si le Sud-Coréen a annulé sa venue à Bruxelles (où il devait être fait chevalier de l’Ordre du Corbeau), le Bifff lui rendra néanmoins hommage en projetant trois de ses films : A Tale of two Sisters (2003), The Good, the Bad, the Weird (2008) et I Saw the Devil, qui avait décroché le Corbeau d’or en 2011.
Focus Mexique. Quatre films sont au programme, qui montrent qu’il n’y a pas que Del Toro, Cuarón et Iñárritu au Mexique ! Dont l’alléchant Tigers Are Not Afraid d’Issa López.
Cinéma belge. Parmi les 11 films belges montrés cette année au Bifff, notons Ça tourne près de chez vous d’Arno Pluquet et Ex Funeris d’Alexandre Drouet avec Erika Sainte. Tandis que, dans le cadre des festivités des 50 ans de subvention du cinéma belge francophone, le festival remontrera Tueurs de François Troukens.
Midnight Extreme. Cette année encore, les programmateurs ont de quoi rassasier les appétits des Bifffeurs les plus hardcore. Au menu de ces séances de minuit 100 % trash, on ira se balader dans les bois dans Ruin Me de Preston DeFrancis, se faire prendre en photo dans Selfie From Helld’Erdal Ceylan ou on tentra de survivre à Trauma de Lucio Rojas, une métaphore sur la dictature Pinochet annoncée comme le film le plus dur de cette édition. Ames sensibles…
2018 : année de la contestation. A l’occasion des 50 ans de Mai 68, le Bifff a sélectionné deux films : le western sud-africain Five Finger for Marseilles (très inspiré de l’univers de Sergio Leone) et Wrath of Silence du Chinois Yukun Xin.
Qui décrochera le Corbeau d’or ?
Comme chaque année, le Bifff proposera quatre compétitions différentes.
Compétition internationale
Cinéaste anglais réputé pour ses films totalement barges (de "The Toxic Avenger" en 1984 à "Poultrygeist : Night of the Chicken Dead" en 2006), Lloyd Kaufman présidera le jury international, aux côtés de la réalisatrice de "Grave", Julia Ducournau, de l’actrice belge Stéphanie Crayencour et du comédien français Laurent Lucas (indissociable du "Calvaire" de Fabrice Du Welz). Onze films seront soumis à leur délibération pour le Corbeau d’or, dont la moitié en provenance d’Asie, mais aussi de Russie, du Canada, d’Argentine et du Mexique. Si aucun nom connu ne sort du lot, on attend quand même avec impatience "Parallel" du Mexicain Isaac Ezban.
Compétition européenne
Directeur des acquisitions sur BeTV, Philippe Logie et son jury éliront le Méliès d’argent (ce qui lui ouvre la porte à la course au Méliès d’or du meilleur film européen). Parmi les titres les plus accrocheurs des 10 productions en lice : "Cold Skin" du Français Xavier Gens, "La femme la plus assassinée au monde", coproduction belge signée Franck Ribière (l’un des producteurs d’Alex de la Iglesia) ou "Party hard, Die young" de l’Autrichien Dominik Hartl.
7e Parallèle
Présidé par l’historien du cinéma Pascal Vandelanoitte, la compétition consacrée aux films les plus singuliers propose cette année 10 ovnis. Dont "Bees make Honey" du Britannique Jack Eve, le très étrange "Dhogs" de l’Espagnol Andres Goteira ou encore "Marjorie Prime" de Michael Almereyda, avec Jon Hamm ("Mad Men").
Thriller
François Troukens ("Tueurs") et son jury départageront huit titres, dont "Downrange", troisième film anglophone du Japonais Ryuhei Kitamura, "Crooked House" du Français Gilles Paquet-Brenner, avec Glenn Close et Terence Stamp, ou encore "Memoir of a Murder" du Sud-Coréen Shin-yun Won. Lequel a attiré 2,5 millions de spectateurs dans son pays avec ce polar dont le pitch n’est pas sans rappeler "La mémoire du tueur" d’Erik Van Looy..
Le Bifff s’ouvre à la VR
Tous les jours de 14 à 23 h, la toute nouvelle VR Screening Room du Bifff proposera pour la première fois aux festivaliers de vivre l’horreur avec un casque de réalité virtuelle sur la tête. Parmi les 15 titres présentés conçus pour ce nouveau format (déjà présent à Cannes ou Venise), on trouve quelques petites pépites de chez Dark Corner Studios, mais aussi une version spéciale de "Muse" de l’Espagnol Jaume Balagueró (également projeté hors compétition en version 2D classique).