"Mission Impossible" ne heurte aucune communauté, reste sans friction, mais accomplit avec brio sa mission: divertir

Alain Lorfèvre
"Mission Impossible" ne heurte aucune communauté, reste sans friction, mais accomplit avec brio sa mission: divertir

Le sixième opus de la saga n’innove en rien, mais fait son office.Trois noyaux de plutonium ont disparu. Un groupe terroriste, les Apôtres, composés d’ex-agents secrets déçus par leurs dirigeants (à force d’être désavoués sans doute…) veulent les récupérer afin de fabriquer autant de bombes nucléaires et détruire "l’ordre mondial".

Ethan Hunt (Tom Cruise) sort donc de la clandestinité avec ses fidèles coéquipiers de l’Impossible Mission Force, Luther (Ving Rhames) et Benji (Simon Pegg). Comme tout le monde a un peu vieilli, la première tentative de récupération tourne au fiasco. La patronne de la CIA (Angela Bassett) impose alors à son homologue de l’IMF (Alec Baldwin) son propre super-agent (Superman Henry Cavill) pour superviser Hunt. En chemin, ce dernier retrouve l’ex-MI6 Ilsa Faust (Rebecca Ferguson) et Solomon Lane (Sean Harris), sa Némésis qu’il va pourtant devoir faire évader. Il croise aussi une séduisante "Veuve" (Vanessa Kirby, la sis’d’Elisabeth II dans "The Crown") et un percutant intermédiaire (Liang Yang).

Dès son premier opus en 1996, la franchise "Mission Impossible" a opéré sa mue de série d’espionnage de la guerre froide en blockbuster d’action post-URSS. Depuis, faisant fi des soubresauts du monde consécutifs au 11 Septembre, la saga s’est déployée dans un territoire imaginaire de la géopolitique asymétrique, peuplé de terroristes blancs, apatrides et nihilistes.

Ce concept commercial permet de ne heurter aucun pays, aucune communauté, aucune sensibilité, aucun marché, a fortiori ceux conséquents de la Chine et de la Russie. Ainsi, en un peu plus de vingt ans de missions et six films accomplis, l’increvable Ethan Hunt incarné par l’inépuisable Tom Cruise a bien réussi l’impossible : ne jamais croiser l’ombre d’un tueur al-qaïdiste, nord-coréen ou slave. Voilà sans doute la seule zone franche d’Hollywood où caster plus blanc que blanc est exempt de critique. Même Hunt semble de plus en plus dénué d’identité nationale. Le manichéisme, ici, est apolitique, purement moral et stylisé.

Hunt affronte son anti-thèse, son reflet inversé : un ex-barbouze si déçu par les autorités de son pays qu’il rêve désormais de mettre à bas l’ordre établi, un agent du chaos bien dans l’air trumpien du temps (au point que Hunt, dans son abnégation zélée paraît presque démodé).

Solomon Lane constitue ce Graal fictionnel (un pur méchant dénué d’essentialisme) qui fit le sel de l’épisode précédent. Hunt y trouvait aussi son double féminin de Hunt, la virevoltante Ilsa Faust, James Bond au féminin, femme fatale au premier degré.

Les deux rempilent à bon escient dans ce "Fallout" qui réussit l’autre mission impossible : divertir sans coup férir mais sans innover. Car ce sixième opus est d’abord un pot-pourri des scènes d’actions emblématiques de la franchise.

L’intrigue-prétexte enchaîne les cascades aux quatre coins du monde : saut au parachute au-dessus de Paris, empoignade en trio dans les toilettes du Grand Palais, poursuite à moto (et sans casque), fusillade dans les sous-sols de Londres, cavale au sommet de la Tate Modern, duel en hélicos (si, si : il faut une scène impossible par mission)…

Pour caler tout cela et tout ce monde, même en près de deux heures quinze, Ethan Hunt court contre la montre, jusqu’à l’ultime seconde. Tom Cruise, lui, défie le temps, interchangeant à 56 balais sonnés les rôles estivaux de sauveur universel. S’il n’a qu’un registre, force est d’admettre qu’il le maîtrise, payant de sa personne dans les cascades de haut vol ou au ras des pâquerettes.

Sa vraie doublure est Christopher McQuarrie, qui rempile à la réalisation et pour sa sixième collaboration (comme scénariste ou coproducteur) avec la star. Le factotum fait le job, sans imagination mais au milli-poil. On freine sur les gadgets et le cabotinage, on préfère les muscles (la baston avec Liang Yang, impressionnante), les moteurs (la séquence parisienne, sponsorisée par une marque à damier) et les cascades aux trucages numériques. Ça se voit, et sur écran Imax, ça en jette, aussi futile cela soit-il.Alain Lorfèvre

Réalisation : Christopher McQuarrie. Avec Tom Cruise, Henry Cavill, Vingh Rhames, Rebecca Ferguson,… 2h13

"Mission Impossible" ne heurte aucune communauté, reste sans friction, mais accomplit avec brio sa mission: divertir
©Ipm

Vidéo: les incohérences de la course poursuite dans Paris

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