Dans "Un 22 juillet", Netflix retrace la tuerie de masse d'Anders Breivik
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- Publié le 10-10-2018 à 10h13
- Mis à jour le 10-10-2018 à 11h28
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Le Britannique Paul Greengrass s’est immergé en Norvège pour dénoncer la montée de l’extrémisme de droite…Le 22 juillet 2011, Anders Behring Breivik fait exploser une camionnette dans le quartier gouvernemental d’Oslo, tuant huit personnes. Toute la Norvège est en émoi mais ne sait pas encore que le pire reste à venir. Le jeune homme de 32 ans se rend ensuite sur l’île d’Utøya, où se tient le camp d’été du mouvement de jeunesse du Parti travailliste norvégien. Là, systématiquement, froidement, il massacre 69 jeunes filles et garçons et en blesse 33 autres, avant d’être arrêté… Jugé un an plus tard, le terroriste d’extrême droite sera condamné à 21 ans de prison, tandis que les familles de victimes et un pays tout entier tenteront de panser leurs plaies…
Présenté à la 75e Mostra de Venise en septembre dernier, 22 July est le premier film Netflix à avoir droit à une sortie en salles officielle simultanée à sa mise en ligne (1), dénotant un changement significatif de politique de la part du géant américain de la vidéo en ligne. Cette évocation de la tragédie norvégienne, c’est à Paul Greengrass qu’on la doit. Très inquiet de la montée du fascisme en Europe (2), le cinéaste a voulu aborder frontalement le terrorisme d’extrême droite, en revenant sur son illustration la plus frappante ces dernières années.
Si le réalisateur de La mort dans la peau ou de Capitaine Philips est évidemment très à l’aise pour nous faire vivre, dans l’action brute, la tuerie elle-même - le premier quart du film -, il se fait ensuite un peu tendre pour décrire la réaction de la société norvégienne face à son pire cauchemar. Alors qu’on a connu le Britannique beaucoup plus radical, moins empressé en tout cas, dans United 93 ou Bloody Sunday. Tandis que, même si toute l’équipe et tout le casting sont norvégiens, l’utilisation de l’anglais ne fait rien pour ajouter un peu d’authenticité à un récit finalement très convenu, tombant souvent dans le pathos.
Pour écrire son scénario, Greengrass s’est basé sur le livre-enquête de la journaliste Åsne Seierstad. En 500 pages, celle-ci abordait tous les aspects de l’affaire, pour tenter de comprendre comment la tranquille Norvège avait pu donner naissance à un tel "monstre". Malheureusement, Greengrass n’a pas eu le courage de choisir un vrai point de vue, s’attachant aussi bien à Breivik lui-même (campé par l’excellent Anders Danielsen Lie), qu’à son avocat Geir Lippestad, qu’au Premier ministre Jens Stoltenberg et, bien sûr, aux victimes. A travers le portrait de la famille Hanssen, qui tente de se reconstruire après que ses deux fils ont été blessés à Utøya.
Le contraste est total avec Utøya 22. Juli, qui sortira, lui, le 5 décembre prochain. Signé par le Norvégien Erik Poppe, ce film-expérience choisit, lui, de se concentrer uniquement sur le massacre, qu’il nous fait vivre de l’intérieur, en temps réel et en vue subjective (celle de l’une des victimes, traquée par Breivik). Cette approche coup-de-poing pose de sacrées questions morales - peut-on faire du spectacle en abordant de tels faits - mais, d’un point de vue strictement cinéphile, choisissant un vrai point de vue sur la tragédie, elle se révèle nettement plus convaincante.
Scénario&réalisation : Paul Greengrass (d’après le livre "One of Us" d’Åsne Seierstad). Photographie : Pål Ulvik Rokseth. Musique : Sune Martin. Montage : William Goldenberg. Avec Anders Danielsen Lie, Jon Øigarden, Thorbjørn Harr, Jonas Strand Gravli, Maria Bock… 2 h 23
(1) Le film sort à Bruxelles au cinéma Palace.