Lukas Dhont (Girl): "Je crois au pouvoir du cinéma"
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/9808cb0f-741b-4334-bd89-ab0dcef7fdd3.png)
- Publié le 17-10-2018 à 10h56
- Mis à jour le 17-10-2018 à 12h29
:focal(2121x1068:2131x1058)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/QMDGNKS3GBB4PAGZMHY5U65Y2I.jpg)
Samedi 12 mai, salle Debussy à Cannes, le tonnerre d’applaudissements à l’issue de la projection de Girl est interminable. Tout à la fois, cela vibre du bonheur diffusé par un grand film, de la satisfaction d’avoir vécu une expérience forte, de la prestation d’un acteur incroyable. Mais aussi, du sentiment d’avoir vécu un moment historique : la naissance d’un cinéaste.
Quatre mois plus tard, Lukas Dhont est un jeune homme rayonnant, la tête un peu dans les nuages. D’ailleurs, son avion en provenance du Festival de Zurich est en retard, Girl y a encore obtenu un prix comme dans les autres festivals du monde où le film est projeté. "C’est chouette, dit-il d’un sourire désarmant. C’est mieux que d’être seul à écrire."
Il faut dire que la maturation a été longue. "J’ai lu, en 2009, cet article sur Nora, une jeune fille voulant devenir une danseuse étoile mais née dans un corps de garçon. J’avais 18 ans mais je n’ai commencé activement à travailler sur ce projet qu’en 2014. L’écriture a demandé deux ans et on a tourné durant l’été 2017."
Changer de genre, une mode ?
Ces applaudissements recelaient autre chose encore, ce sentiment de se sentir différent de ce qu’on était lorsqu’on est entré dans la salle, d’avoir été transformé par le film. "Je crois au pouvoir du cinéma. La grande force du cinéma est sa capacité à créer de l’empathie. Je veux l’utiliser comme cela. J’ai vu des films et en quittant la salle, j’avais appris quelque chose, émotionnellement, intellectuellement. Oui, je pense qu’un film peut aider à changer les mentalités, peut faire comprendre quelque chose qu’on ne saisissait pas avant d’entrer dans la salle. Le cinéma peut amener à s’intéresser à des choses auxquelles on ne prêtait aucune attention jusque-là. Il y a des gens qui pensent que changer de genre, c’est une mode pour le moment. Je pense qu’après avoir vu Girl, au moins, on ne pense plus cela. C’est mon grand espoir avec ce film."
"Je pense que j’ai une ambition de cinéma un peu humaniste. J’ai envie de montrer des personnages qui défient des normes et je veux faire en sorte qu’on les comprenne mieux. Mon prochain film s’inspire aussi d’un cas concret. Pour le moment j’ai besoin d’un cas réel pour écrire."
Le Xavier Dolan flamand ?
À Cannes, Lukas Dhont fut rapidement surnommé le Xavier Dolan flamand. Le talent précoce et la question du genre le rapprochent certes du cinéaste québécois mais, formellement, Lukas Dhont est bien plus proche du cinéma des frères Dardenne dans cette façon de prendre un personnage et de ne plus le lâcher.
"Je ne me sens pas obligé de le dire parce que je suis belge, mais je suis un grand admirateur des frères Dardenne. Il y a dans leur manière de filmer quelque chose qui relève de la chorégraphie. Leur caméra est une danseuse qui suit le personnage. On peut faire pas mal de parallèles. Chez les Dardenne, c’est aussi le corps qui parle. La caméra est dans le dos du personnage, sur ses mains. J’ai beaucoup appris en voyant leurs films quand j’étais à l’école de cinéma de Gand. Ce qui est différent, c’est leur réalisme social. Je ne me sens pas à l’aise avec cela, je stylise beaucoup plus les couleurs, les lumières. Je suis plus théâtral."
"J’adore aussi Chantal Akerman qui a beaucoup inspiré Gus Van Sant. J’adore Todd Haynes, Gregg Araki, Yorgos Lanthimos et Andrea Arnold. J’ai beaucoup de coups de cœur pour des cinéastes qui ont créé leur propre univers. Comme réalisateur, j’adore quand on peut identifier un film immédiatement."