"Dilili à Paris", un conte maladroit un brin moralisateur
- Publié le 24-10-2018 à 13h06
- Mis à jour le 24-10-2018 à 13h07
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Ce noble conte de Michel Ocelot n’est pas exempt de maladresses gênantes.Dilili : un prénom constitué de trois syllabes et d’une allitération, comme Kirikou. L’analogie entre le nouveau film d’animation du Français Michel Ocelot et son succès de 1999 se poursuit le temps d’une scène d’ouverture, dans un décor de village de jungle. Michel Ocelot nous ferait-il un Kirikou au féminin ?
Non : cette scène est un trompe-l’œil. Le plan large révèle que nous sommes au pied de la Tour Eiffel, dans une exposition coloniale, au début du XXe siècle. "Toi y en parler ma langue ?" demande Orel, chauffeur de triporteur, à une enfant. "Oui, mieux que toi, semble-t-il" rétorque Dilili, métisse kanake. Quelques instants plus tard, ayant troqué son pagne de pacotille pour une robe à crinoline blanche, Dilili rejoint son nouvel ami et les voilà prêts à se lancer dans l’aventure.
Elle les emmène sur les traces des Mâles-Maîtres, qui kidnappent les fillettes de Paris. Durant la première heure du film, l’intrigue est prétexte à une visite guidée du Paris 1900, à la découverte de ses monuments (l’Opéra, les Invalides, l’Arc de Triomphe, la Tour Eiffel…) et à la rencontre de ses personnalités : la cantatrice Emma Calvé, l’actrice Sarah Bernhardt, Marie Curie, Louise Michel, Camille Claudel, Marcel Proust, Picasso, Toulouse-Lautrec, Erik Satie ou Pasteur…
Michel Ocelot opte à nouveau pour une esthétique radicale. Le réalisateur a photographié la Ville Lumière, retouchant les clichés et y intégrant ses personnages. Leurs corps sont en trois dimensions, mais la mise en couleurs par à-plats leur confère une forme classique. On retrouve un charme visuel similaire à celui des Kirikou.
Si la succession de saynètes conviendra à un jeune public, celui-ci pourrait se lasser de l’énumération didactique des lieux et des célébrités. Cette ode appuyée à la culture et à la raison est parfois pesante sinon pédante (les louanges sur la diction et la robe de Dilili confinent à la remise de diplôme de "civilisée" de triste mémoire).
La simplification, voire le simplisme, du propos pose aussi question. Le symbole vestimentaire de soumission imposé aux victimes des Mâles-Maîtres expose le film au procès d’intention. Ocelot a voulu se distancier de toute interprétation trop spécifique. Mais sa maladresse, tout involontaire qu’elle soit, est au minimum de n’avoir pas mesuré que certains enfants pourraient se sentir brutalement visés.
Tout à sa représentation laudative de la capitale française, Michel Ocelot contredit aussi son audace visuelle, figeant Paris dans le formol de la ville-musée, où seuls le passé et une culture héritière des Lumières seraient dignes d’admiration. "Il faut sauver notre civilisation" s’exclame Emma Calvé. Ce "notre" (qu’en penserait un Kanak ?) métamorphose le conte universaliste en pamphlet paternaliste et moralisateur.Alain Lorfèvre
Réalisation et scénario : Michel Ocelot. Avec les voix de : Prunelle Charles-Ambron, Enzo Ratsito, Natalie Dessay,… 1h35.
