"The Sisters Brothers", premier film américain pour Jacques Audiard, une réussite pour ce western idéaliste
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Publié le 24-10-2018 à 10h41 - Mis à jour le 24-10-2018 à 13h06
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Oregon City, 1851. Eli (John C. Reilly) et Charlie Sisters (Joaquin Phoenix) sont engagés par le mystérieux Commodore pour traquer Hermann Kermit Warm (Riz Ahmed) jusqu’à San Francisco et l’assassiner. En pleine Ruée vers l’or, ce chimiste est en effet en possession d’une formule prometteuse, qui pourrait révolutionner la prospection d’or. Dans leur mission, les deux frangins sont devancés par John Morris (Jake Gyllenhaal), avec qui ils communiquent par lettres…
Après avoir décroché la Palme d’or à Cannes en 2015 avec Deephan, Jacques Audiard s’attaque à son premier film américain, en transposant à l’écran le roman historique et picaresque du Canadien Patrick deWitt. Engagé par John C. Reilly dans cette large coproduction entre les Etats-Unis et l’Europe, le cinéaste français a eu les coudées franches pour offrir sa vision du western, en proposant une nouvelle voie.
Audiard a en effet pu travailler ici avec ses collaborateurs habituels, notamment Thomas Bidegain au scénario et Alexandre Desplat, qui lui a composé une bande-originale crépusculaire aux accents jazzy. Audiard a aussi pu engager le Belge Benoît Debie, qui signe une magnifique photographie, souvent lumineuse. Le tout dans des décors évocateurs de l’Ouest américain, parfaitement recréé… en Espagne et en Roumanie.
Situé dans le contexte de la Ruée vers l’or, The Sisters Brothers relit le western en repensant sa mythologie, en lui injectant un petit souffle d’utopie inattendu, à travers ce personnage de prospecteur rêvant de rejoindre une communauté au Texas où son or pourrait servir au bien commun. Ce qui intéresse Audiard, ce ne sont en effet pas les figures héroïques hollywoodiennes classiques du western mais, au contraire, de décrire des cow-boys en plein doute qui, au bout du rouleau, cherchent une porte de sortie à leur vie de violence… Soit deux personnages drôles et profonds à la fois, campés par deux acteurs qu’a priori tout oppose. Mais c’est justement de cette confrontation fructueuse entre le bonhomme John C. Reilly et le chien fou Joaquin Phoenix que naît la complicité à l’écran de ce duo fraternel attachant.
L’originalité de The Sisters Brothers tient évidemment à la trame du roman d’apprentissage de deWitt, mais aussi au regard, français, que pose Audiard sur le contexte historique américain. Plus qu’un western, le cinéaste affirme en effet avoir voulu faire un film d’époque… Cela ne l’empêche évidemment pas de s’amuser des codes du genre, sans pour autant verser dans la parodie ou le pastiche, mais en proposant une vision nouvelle de l’Ouest, plus humaniste, moins individualiste et jamais cynique. Surtout, Audiard parvient à distiller ses propres thèmes, notamment la question du rapport au père, omniprésente dans la filmographie du fils de Michel Audiard. Et ici de façon très violente puisque ce qui forge le lien indéfectible entre ces deux frères, c’est un parricide…
Réalisation : Jacques Audiard. Scénario : Jacques Audiard & Thomas Bidegain (d’après le roman de Patrick deWitt). Photographie : Benoît Debie. Musique : Alexandre Desplat. Avec John C. Reilly, Joaquin Phoenix, Jake Gyllenhaal, Riz Ahmed, Rutger Hauer… 2 h 01.
