"Nos vies formidables", entre réalité et fiction dans une plongée au cœur d’un centre de désintoxication
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- Publié le 06-03-2019 à 10h25
- Mis à jour le 06-03-2019 à 10h53
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Après Médecin de Campagne de Thomas Lilti, Sauver ou périr de Frédéric Tellier, Pupille de Jeanne Herry ; Nos vies formidables de Fabienne Godet vient alimenter un nouveau courant passionnant qui irrigue le cinéma français. Il a ceci de singulier qu’on a le sentiment de regarder un documentaire tout en sachant parfaitement qu’il s’agit d’une fiction, car Cluzet est le Médecin de campagne et Sandrine Kiberlain a la charge d’une Pupille.
Dans Nos vies formidables, l’ambiguïté réalité/fiction est encore renforcée, car si on reconnaît l’une ou l’autre tête, comme celle de Bruno Lochet, le doute existe pour le reste de la distribution : acteurs professionnels ou véritables patients de ce centre de désintoxication posé en pleine nature ?
On y entre en compagnie de Margot, petite trentaine. Un thérapeute l’installe dans sa chambre et fouille méthodiquement son sac, jusqu’à palper son tube de dentifrice, avant d’emporter argent et portable. Margot n’en pouvait plus d’avoir envie gerber toute la journée ; des journées qu’elle passait à boire, sniffer, avaler médicaments et amphets.
Elle fait la connaissance des autres pensionnaires, au réfectoire, dans le salon, sur le terrain de volley mais surtout dans les groupes de paroles. Après deux jours, elle veut déguerpir, mais un toxico trouve les mots pour la retenir. Dix semaines sont nécessaires pour obtenir un résultat.
On ne va plus les quitter des yeux. Ni des oreilles. Comme Margot, on plonge dans la vie des autres grâce à leurs témoignages. On essaie aussi de cerner le pari de la méthode, d’identifier le principe actif du traitement. Fabienne Godet ne met pas en scène un sevrage mais l’action de la parole.
Au-delà de libérer ce qui pèse sur le cœur, elle reconnecte la personne avec ses émotions dont elle était coupée par l’effet de la drogue, de l’alcool. Elle crée aussi du lien. Celui d’un vécu commun particulièrement intense. Celui d’une expérience récente ou, with a little help des autres, on peut s’en sortir. Car les groupes de paroles sont très actifs. Le psy pousse chacun à réagir, s’impliquer dans les témoignages des autres, à en relever les contradictions, par exemple. C’est d’autant plus rude, qu’on ne peut plus se réfugier dans une posture de victime.
En acceptant les temps faibles, en s’appuyant sur l’un ou l’autre acteur un peu maladroit ; Fabienne Godet crée, paradoxalement, un tel sentiment de réel qu’on en oublie les codes et les enjeux de la fiction. Ainsi, on échappe à la progression dramatique, la mise en empathie avec l’héroïne, l’enchaînement des événements vers le climax, pour être plongé dans l’incertitude du réel. La question n’est pas Margot va-t-elle s’en tirer ? Mais en connaissant mieux son chemin, et celui de Jalil, Dylan ou Salomé ; on comprend quelques petites choses sur les toxicos, tout en se débarrassant de quelques clichés.
Nos vies formidables Drame De Fabienne Godet. Avec Julie Moulier, Bruno Lochet, Abbès Zahmani. Durée 1h 57.
