Cannes 2019 : Une Palme pour lancer, récompenser, consacrer ?
Publié le 24-05-2019 à 19h39 - Mis à jour le 29-05-2019 à 09h58
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La 72e édition fut dominée par cinq films. Le jury d’Iñárritu trouvera-t-il une logique pour les hiérarchiser ?Moins mémorable que l’an dernier, la 72e édition du festival de Cannes aura été dominée par cinq films. Les Misérables de Ladj Ly, sorte de Do the Right Thing made in France et Portrait d’une jeune fille en feu , de Céline Sciamma, brève histoire d’amour entre deux femmes au XVIIIe siècle. Tous deux témoignent que les lignes bougent. L’écran se métisse et il y a davantage de femmes au cœur des récits. Le sang neuf est bien là et bouillonne de talent.
Mais la valeur ne décroît pas avec le nombre des années. Pedro Almodóvar (69 ans) se réinvente. Dans Douleur et gloire , il entame un nouveau cycle de son exceptionnelle carrière. Après quelques films à la ramasse, Terrence Malick (75 ans) a retrouvé toutes ses facultés et sa narration pour emmener dans Une vie cachée, le spectateur dans un voyage intérieur jusqu’au noyau dur de la conscience.
Par ailleurs, Ken Loach (82 ans) n’a rien perdu de son punch, même si Sorry We Missed You le montre plus désespéré que jamais. Et le styliste, Marco Bellocchio (79 ans), démontre qu’il est aussi capable de livrer un film très classique, d’une efficacité dramatique implacable dans Le Traître, portrait de Tommaso Buscetta, le repenti qui a livré 366 mafieux au juge Falcone.
Entre ces deux pôles, Bong Joon Ho, de retour en Corée après s’être frotté au cinéma international et même à Netflix, émerveille avec Parasite , son chef-d’œuvre
Quelle ligne choisira le jury ? Celle d’un coup de pouce à la jeunesse, ce sont eux qui ont besoin d’être médiatisés ? La reconnaissance pour la filmographie accomplie ? Cannes peut-il passer à côté du géant Almodóvar, d’autant que Douleur et gloire doit parler spécifiquement aux réalisateurs qui sont huit dans le jury. Ou bien fera-t-il le vide pour comparer ces 21 films comme s’ils n’en avaient jamais vu d’autres et choisir le meilleur ?
En attendant, de voir comment Alejandro Gonzales Iñárritu et ses jurés vont se débrouiller ; voici à quoi ressemblerait notre palmarès idéal ?
La Palme d’or à Parasite du Coréen Bong Joon Ho, 132 de minutes de pur cinéma et la lutte des classes vue sous l’angle des odeurs. Une fin parmi les plus bouleversante de l’histoire du cinéma. Le film correspond au cahier de charge de la Palme - scénario virtuose, mis en scène virtuose, interprétation virtuose - et un potentiel public, car c’est tout à la fois un thriller palpitant, une comédie noire, une chronique politique.
La médaille d’argent, qu’on appelle ici le grand prix du jury à Portait d’une jeune fille en feu de Céline Sciamma pour cette intensité dans le dépouillement, cette façon de guider le regard du spectateur.
Le prix du jury aux Misérables de Ladj Ly, la puissance de ce premier film se double d’un état des lieux lumineux de la banlieue.
Le prix de la mise en scène, à Terrence Malick, car, dans Une vie cachée, il met le spectateur dans un état second.
Le prix du scénario à Bacurau, car, avec le président Bolsonara, le Brésil est de retour au temps du western.
Le prix d’interprétation à Antonio Banderas. C’est la Palme ou rien pour Pedro, et Antonio Banderas tient ici le rôle de sa vie. Il y a du monde en embuscade, Roschdy Zem dans Roubaix une lumière de Desplechin, August Diehl dans Une Vie Cachée et aussi Pier Francesco Favino, un Traître aux multiples facettes.
Noémie Merlant est la révélation chez les femmes, ce qui fait deux prix pour Portrait, histoire de le distinguer.. Mais Sinon Gwei Lun Mei, la baigneuse du Lac des oies sauvages est si subtile dans ce film noir de Diao Yinan.