Claude Lelouch : "Je me dis toujours que le meilleur arrive bientôt"
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/c644ff66-61e6-46b5-b06d-08bc3ff5f82d.png)
- Publié le 02-07-2019 à 07h42
- Mis à jour le 03-07-2019 à 10h06
:focal(742x378.5:752x368.5)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/CKZK5HLZKRHIVCPR7OHFDA5NR4.jpg)
À 81 ans, il a présenté au Briff le troisième volet d’"Un homme et une femme".De son propre aveu, Claude Lelouch fait presque tout en voiture : il y imagine ses films, y fixe ses rendez-vous et, fort logiquement, nous y accorde une interview en conclusion de son week-end à Bruxelles, en tant qu’invité d’honneur du Brussels International Film Festival (Briff). "Pour moi, la voiture est l’équivalent des chevaux pour le western : sans chevaux, il n’y a plus de western. Sans voiture, on ne peut plus faire un film sur notre époque", explique l’éternel optimiste de 81 ans.
Dans le troisième volet d’Un homme et une femme, Les Plus Belles Années d’une vie, Jean-Louis Trintignant passe de la Ford Mustang à la 2 CV. Une métaphore de l’existence ?
Oui. C’est l’aventure qui compte. J’ai accumulé plein de bons souvenirs, et ma madeleine de Proust, c’est une 2CV. C’est elle qui m’a donné envie de faire du cinéma. Je lui dois tout. Une autre voiture très importante, c’est une Mercedes décapotable 280 SL. Comme un producteur ne pouvait pas me payer, il me l’a laissée. Elle a joué un rôle important, car, à son volant, j’avais l’air d’avoir réussi. On me prenait au sérieux et c’est ainsi que j’ai réussi à tourner Un homme et une femme. Cela a changé ma vie. Et cela me remplit de joie que l’on en parle encore aujourd’hui.
Quel regard jetez-vous sur vos anciens films ?
Comme on est en train de les restaurer, je les visionne de temps en temps. J’ai l’impression de voir les œuvres de quelqu’un d’autre. Parce que je n’ai pas de mémoire.
Comme Jean-Louis Trintignant dans Les Plus Belles Années d’une vie…
Perdre la mémoire est ma pire crainte. Avec ce film, je veux dire qu’il faut profiter du présent : c’est la seule chose qui nous appartient. Même s’il ne reste qu’une heure à vivre, j’ai envie d’en profiter. Le plaisir n’est jamais relatif à la longueur : on peut avoir toutes les joies du monde en cinq minutes. C’est un film sur la force du présent. Je crois au présent, et il faut faire avec ce qui reste. Moi, je me dis toujours que le meilleur arrive bientôt. Je m’accroche tout le temps au positif. J’ai conscience d’être un homme très heureux et de m’amuser comme un fou.
Dans votre cinéma, on peut tout oublier, mais pas un grand amour…
La mémoire du cœur est plus forte que celle du cerveau. Il n’y a pas d’Alzheimer pour le cœur. La mémoire du cœur est éternelle. J’en suis convaincu. D’ailleurs, j’ai plus fait de films pour le cœur des gens que pour leur intelligence. L’intelligence, elle a trop le sens des affaires. Elle est machiavélique, quelquefois brillante mais jamais sincère. C’est une combinarde. Le cœur, lui, est dans l’essentiel.
Votre prochain projet ?
Le cinquantième film a été tourné entièrement avec mon portable, La Vertu des impondérables. Cela montre la force des catastrophes dans nos vies et à quel point, sans les catastrophes et les drames, on serait incapable de progresser. Il faut la force de la souffrance pour accéder au bonheur. C’est basé sur 80 ans d’observations : si elles sont bonnes, je suis philosophe et si elles sont mauvaises, je suis un charlatan. L’avenir nous le dira.
Comment parvenez-vous à continuer à tourner autant en dehors de toute logique commerciale ?
Je n’ai jamais écouté personne. Vous savez, les conseils, c’est comme les cure-dents : après vous, personne ne veut s’en servir. Ma seule certitude, c’est que les choses ne se passent jamais comme on l’avait imaginé. J’ai connu des hauts et des bas, sans jamais avoir pu les prévoir. J’ai réussi à passer à travers les gouttes et je vais essayer de continuer à faire du slalom le plus longtemps possible.
De quoi êtes-vous le plus fier ?
D’avoir rencontré Claude Lelouch à ma naissance.
Et le moins fier ?
Pareil. (Grand éclat de rire)