Quand le producteur Brad Pitt prend un risque avec "Ad Astra"
Le 29 août dernier, Brad Pitt a, sans surprise, déchaîné les foules à la Mostra de Venise, où il accompagnait James Gray pour présenter Ad Astra en Compétition.
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Publié le 18-09-2019 à 10h13
Le 29 août dernier, Brad Pitt a, sans surprise, déchaîné les foules à la Mostra de Venise, où il accompagnait James Gray pour présenter Ad Astra en Compétition. Pour l’occasion, la star hollywoodienne avait enfilé deux casquettes, celle d’acteur, mais aussi celle de producteur. Comme pour le film précédent de James Gray, The Lost City of Z en 2016, c’est en effet sa société Plan B qui a produit Ad Astra.
"Après The Lost City of Z, Brad m’a dit : ‘Qu’est-ce que tu veux faire ensuite ? Je lui ai parlé de ce film et il m’a dit : ‘Je veux jouer dedans !’ Je n’ai aucune idée de comment le film va être reçu mais Brad y est génial. Il s’est vraiment engagé de façon très personnelle, nous confiait James Gray, en décembre dernier, au Festival de Marrakech, dont il était président du jury. Je suis très fatigué. Le film précédent a été physiquement très difficile, avec un tournage en Europe et dans la jungle. Je pensais que celui-ci serait plus facile, mais cela n’a pas été le cas. En rentrant à Los Angeles, j’ai encore plus de 600 plans à passer en revue. Concrètement, vous êtes assis dans une salle de cinéma 12 à 15 heures par jour avec un petit pointeur laser… Plan 603-RF : ‘Il y a un peu de magenta dans le coin. J’ajouterais un peu de reflet ici…’ Et ça avec des centaines de plans par jour ! Je suis donc très fatigué. Mais c’est un problème de riche. Car je fais ce que j’aime…" Un travail éprouvant qui explique qu’Ad Astra a pris beaucoup de retard, alors que la production aurait souhaité qu’il soit prêt dès janvier 2019 ou au moins en mai pour Cannes.
Un producteur très interventionniste
Ad Astra a donc finalement été dévoilé à la Mostra de Venise où, en conférence de presse, Brad Pitt se révélait un producteur très attentif. C’est lui, par exemple, qui est allé chercher en renfort le monteur flamand Nico Leunen, avec qui il avait déjà travaillé sur My Beautiful Boy de Felix Van Groeningen (cf. ci-contre). L’acteur assume en effet avoir fait une série de choix artistiques aux côtés de James Gray. À tel point qu’on se demande si ce n’est pas lui qui a poussé à l’ajout de la voix off omniprésente, tout droit sortie d’un film de Terrence Malick, avec qui Brad Pitt a travaillé à deux reprises, comme acteur et comme producteur, sur The Tree of Life (Palme d’or en 2011) et Voyage of Time en 2016.
"James et moi nous sommes nourris des grands films des années 70. C’est le niveau de qualité que je recherche, avec des approches plus complexes, pas juste des bons et des méchants. Ce sont ces intrigues-là qui m’intéressent et qu’aujourd’hui je ne vois plus au cinéma. Les gens avec qui je travaille cherchent aussi la même chose", expliquait Brad Pitt à Venise, évoquant le "véritable défi" qu’a représenté Ad Astra "pour toute l’équipe".
La star hollywoodienne ne se montre pas toujours aussi présente sur les plateaux des films qu’elle produit. "On a travaillé ensemble pendant quelques jours sur le scénario. Il ne produit évidemment pas le film au jour le jour, mais il suit son évolution. Ceci dit, je n’ai pas son numéro de portable, il reste une distance entre nous", nous confiait Felix Van Groeningen l’année dernière au Festival de Gand, où il présentait My Beautiful Boy, son premier film américain. Si Brad Pitt a engagé le jeune cinéaste flamand pour mettre en scène la confrontation touchante entre Steve Carell et Timothée Chalamet, c’est qu’il avait adoré The Broken Circle Breakdown.
Un risque financier
Si Brad Pitt s’est montré beaucoup plus interventionniste sur Ad Astra, c’est que le film est nettement plus important pour lui. Non seulement parce qu’il en est la tête d’affiche, mais aussi parce que se joue peut-être, là, l’avenir de Plan B, la société de production qu’il a fondée en 2002 avec Brad Grey et Jennifer Aniston pour venir en aide à des auteurs peinant à réaliser leurs projets. Depuis Troie de Wolfgang Petersen en 2004, Plan B est à l’origine d’une petite quarantaine de films (cf. ci-contre), alternant grosses productions à plusieurs dizaines de millions de dollars (comme World War of Z de Marc Forster en 2013) et films d’auteur ambitieux. Brad Pitt a ainsi produit Twelve Years a Slave de Steve McQueen, The Big Short et Vice d’Adam McKay ou encore Moonlight (avec un Oscar du meilleur film à la clé) et Si Beale Street pouvait parler de Barry Jenkins.
Alors que Plan B n’a pas connu de succès commercial depuis plusieurs années, Ad Astra représente un sacré pari financier. Après son échec au box-office avec The Lost City of Z (19,3 millions de dollars de recettes pour un budget de 30 millions), James Gray n’a en effet pas droit à l’erreur. Pourtant, malgré la présence à l’écran du toujours aussi charismatique Brad Pitt, Ad Astra aura sans doute du mal à récupérer les 85 millions de dollars injectés. Le film est en effet assis un peu le cul entre deux chaises, entre le blockbuster hollywoodien et le film d’auteur indépendant. Pas sûr en tout cas qu’il renouvellera le carton du Gravity d’Alfonso Cuarón qui, en 2013, avait engrangé 723 millions de dollars au box-office, pour un budget sept fois moindre…