"Proxima", du féminisme en apesanteur avec Eva Green
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- Publié le 27-11-2019 à 14h15
- Mis à jour le 27-11-2019 à 19h51
Quand une astronaute doit autant se préparer à quitter la Terre que sa fille. "L’astronaute parfait n’existe pas. La mère parfaite non plus" finira par lâcher Mike (Matt Dillon) à Sarah (Eva Green). Cette jeune Française a la tête dans les étoiles depuis son enfance. Toute sa vie, elle s’est préparée pour une mission spatiale.
Quand elle est sélectionnée au sein de l’équipage de Proxima, la dernière avant le grand saut vers Mars, elle ne peut refuser. Mais Sarah est divorcée. Va-t-elle pouvoir assumer un an - le temps de son séjour dans la Station spatiale internationale - loin de sa fille Stella (Zélie Boulant-Lemesle) ? Les dernières semaines d’entraînement intensif à Baïkonour sont un double entraînement : physique pour la mission, psychologique pour la mère.
La Française Alice Winocour poursuit une filmographie qui nous emmène toujours là où on ne l’attend pas : plongée expressionniste dans le XIXe siècle médical traitant "l’hystérie" dans Augustine (2012), thriller post-traumatique dans Maryland (2015). Et, cette fois, un contrepoint intimiste et féminin du récent Ad Astra.
Les questions existentielles ne sont pas absentes du cinéma spatial - en témoigne First Man de Damien Chazelle. Mais rare sont les cinéastes qui confrontent à la notion de conquête spatiale celle de l’abandon. Rêver d’étoiles implique de "couper le cordon" avec la Terre. L’expression est, paraît-il, utilisée par les Russes pour la séparation de la capsule et du lanceur.
Fallait-il un regard féminin pour approfondir cette idée ? Même si elle aligne les photos d’authentiques astronautes et cosmonautes féminines dans son générique de fin, Alice Winocour évite de trop appuyer le propos féministe, même s’il est présent. Sans tomber dans les grands discours, Alice Winocour dépeint avec éloquence les défis que doit surmonter Sarah, qui ne sont pas ceux de ses homologues masculins.
Quasi-documentaire
Hors ce point de vue féminin assumé, Proxima est aussi une fiction quasi-documentaire, tournée sur les lieux mêmes : le centre des astronautes européens de l’Agence spatiale européenne à Cologne, la Cité des étoiles en Russie et au Cosmodrome de Baïkonour au Kazakhstan.
Si le scénario anticipe le projet de mission martienne, la réalisatrice traite les préparatifs avec réalisme et sérieux. En guise de caution, l’astronaute français Thomas Pesquet apparaît dans son propre rôle.
Une Eva Green polyglotte (elle passe de l’anglais au russe en passant par l’allemand) paie de sa personne sans qu’on perçoive les trucages - centrifugeuse, tapis de course à l’horizontale, bassin de simulation d’apesanteur… De femme quasi-machine (le premier plan la montre manipulant un exosquelette), Sarah lâche progressivement prise. On partage à travers ses dispositifs son voyage intérieur qui la prépare à l’éloignement de sa fille. Telle une fusée, Sarah doit quitter l’orbite de sa fille étage par étage, pallier après pallier. La musique originale du compositeur Ryuichi Sakamoto illustre ce périple intérieur que soutiennent aussi Lars Eidinger (Personal Shopper), dans le rôle du père de Stella, ou Sandra Hüller (Toni Erdmann), en pédopsychiatre.
Proxima Voyage intérieur De Alice Winocour Scénario Alice Winocour, Jean-Stéphane Bron Avec Eva Green, Matt Dillon, Zélie Boulant-Lemesle,… Durée 1h47.
