Avec "Adam", Maryam Touzani signe un premier long métrage sensible sur la condition féminine au Maroc
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- Publié le 05-02-2020 à 11h49
- Mis à jour le 05-02-2020 à 12h05
La vingtaine, Samia (Nisrin Erradi) sonne de porte en porte dans la médina de Casablanca, à la recherche d’un petit boulot pour lui permettre de survivre. Enceinte jusqu’au cou, elle a surtout besoin d’un toit pour la nuit. Mais les portes se referment les unes après les autres, personne ne souhaitant recueillir dans son foyer une future fille-mère.
Personne sauf Abla (Lubna Azabal). Après avoir congédié la jeune femme, cette mère élevant seule une petite fille de huit ans, Warda (Douae Belkhaouda), se ravise. Ne pouvant se résigner à voir coucher la jeune fille dehors, elle lui offre un lit pour une nuit. Puis deux. Puis quelques nuits, quand Samia se révèle être une excellente cuisinière et qu’elle donne un coup de main dans la petite pâtisserie d’Abla, pour préparer les msemmens et les délicats rzizas. Entre ces deux femmes seules s’instaure une forme de compréhension…
Less Loved
Journaliste découverte au moment du film-scandale Much Loved en 2015, qu’elle avait coécrit avec son compagnon, le réalisateur marocain Nabil Ayouch, Maryam Touzani - revue ensuite comme actrice et coscénariste de Razzia d’Ayouch en 2017 - réalise à 40 ans son premier long métrage de fiction, après deux documentaires. Produit et coécrit par Ayouch, Adam est un film très sensible qui aborde, avec une infinie délicatesse, la condition de la femme au Maroc.
On sait la cinéaste très en pointe dans le combat féministe. Mais elle ne signe pas pour autant un film militant ou politique. Statut des filles-mères et des enfants nés hors mariage (pire que s’ils étaient orphelins), place de la femme dans une société patriarcale… Tous ces thèmes sont évidemment présents, mais traités avec beaucoup de tact, à travers deux personnages forts, campés par là toujours très juste Lubna Azabal (dans le rôle d’une veuve dure, refermée sur elle-même depuis la mort de son mari) et par la jeune Nisrin Erradi. Toutes deux magnifiques, elles offrent une vraie profondeur à cette relation entre deux femmes seules qui, en l’absence des hommes mais au contact l’une de l’autre, vont retrouver un peu de chaleur, de foi en l’humanité et de goût à la vie.
Ces deux femmes en train de s’apprivoiser, Maryam Touzani les filme avec une grande sensualité, voire une forme d’érotisme, quand leurs mains se touchent pour préparer le pain, quand la plus âgée caresse le ventre de la plus jeune ou qu’elles se regardent dans la glace… Comme si, dans la sororité, elles trouvaient une échappatoire à la dureté du monde qui les entoure, où il ne fait pas bon être femme. Si le constat de la cinéaste est très dur, porté par cette chaleur, Adam entretient une lueur d’espoir, notamment à travers cet enfant à naître que porte, malgré elle, sa jeune héroïne.
Adam Drame féminin De Maryam Touzani Scénario Nabil Ayyouch Photographie Virginie Surdej Montage Julie Naas Avec Lubna Azabal, Nisrin Erradi, Douae Belkhaouda, Aziz Hattab… Durée 1h38.
