Avec "Richard Jewell", Clint Eastwood célèbre une victime de l'abus de pouvoir mais signe un film sans nuance

Certains rêvent de devenir pompier, d’autres de conduire des trains ou des avions, Richard Jewell voulait être policier, c’est sûr.

Alors qu’il pousse le chariot d’employé de bureau en charge du courrier et des fournitures, il en rêve encore et stimule ses facultés de déduction. Mais il n’a pas le profil, trop rond, un véritable donut sur pattes. Et c’est paradoxal, car à l’intérieur, Richard Jewell est carré, raide, inflexible. Pas le genre à fermer les yeux, à se dire, il faut bien que jeunesse se passe quand il voit des étudiants boire une bière sur le campus dont il assure la surveillance.

Et il en faut des vigiles à Atlanta qui vit à l’heure des Jeux olympiques et de la paranoïa de l’attentat. Richard, on l’aura compris, est du genre à faire du zèle. Quand il voit un sac à dos abandonné au pied de la tour technique d’un concert dans le parc, en marge de l’évènement sportif, il applique la procédure immédiatement. A raison, le démineur appelé découvre une bombe artisanale qu’il n’a pas le temps de désamorcer. Juste, celui de faire reculer la foule avec ses collègues et boum ! Deux morts et une centaine blessés au lieu du carnage potentiel. Richard Jewell devient un héros du jour au lendemain et l’immense fierté de sa maman dont il partage la vie depuis toujours.

Mais trois jours plus tard, Richard passe du capitole à la roche tarpéienne. Cette fois, il a le bon profil : celui du faux héros. Pour le FBI, il a, lui-même, organisé l’attentat pour briller ensuite, comme un sauveur. Les autorités et les médias lui tombent dessus pour le broyer, le déchiqueter, l’équarrir et le jeter en pâture à la foule. Il ne se trouve qu’un défenseur, un avocat, qu’il avait croisé chez l’un de ses nombreux employeurs. Richard était tellement zélé qu’ils préféraient s’en débarrasser.

Le dernier Eastwood

Douze mois plus tard, voici déjà le nouveau film réalisé par Clint Eastwood. Et pas le dernier, espérons-le. Alors que La Mule aurait constitué un point final parfait, doublé d’un succès commercial ; il serait tout de même dommage de le voir, à 90 ans cette année, boucler sa filmographie avec le film de trop.

Richard Jewell rappelle que Clint n’a pas tourné que des chefs-d’œuvre et qu’il est républicain, c’est-à-dire pour un maximum de liberté individuelle et un minimum d’État. Il célèbre en Richard Jewell une authentique victime de l’abus de pouvoir, tant judiciaire que médiatique. Et aussi, un amoureux des armes. Avec l’arsenal que les enquêteurs découvrent dans son appartement, Richard aurait pu ouvrir une artillerie, instantanément.

Si encore Clint Eastwood avait fait preuve d’ambiguïté, laquelle sert souvent la dramaturgie car le doute nourrit le suspense. Mais non, l’idée même de nuance est bannie, c’est "le bon, la maman et les méchants". Le cinéaste est en partie sauvé par ses acteurs. Paul Walter Hauser tient le rôle de sa vie et lui donne de la consistance. Quel bonheur de retrouver au premier plan, Kathy Bates et Sam Rockwell, toujours aussi impeccables. Mais malgré tout leur talent Olivia Wilde et John Hamm ne peuvent rien pour leurs personnages caricaturaux.

Richard Jewell Drame De Clint Eastwood Avec Paul Walter Hauser, Sam Rockwell, Kathy Bates, Olivia Wilde, John Hamm Durée 2h11.

Avec "Richard Jewell", Clint Eastwood célèbre une victime de l'abus de pouvoir mais signe un film sans nuance
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