"Pour l'éternité", toute la poésie désespérée de Roy Andersson
Ce mercredi, sort, non pas en salles malheureusement, mais en VOD le dernier film du Suédois Roy Andersson. Un chef-d'oeuvre de poésie désabusée sur la douleur d'une humanité condamnée à la souffrance. Un film beau et dur, qui résonne particulièrement avec la crise que nous traversons actuellement...
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Publié le 18-03-2020 à 11h53 - Mis à jour le 03-07-2020 à 15h21
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Ce mercredi, sort, non pas en salles malheureusement, mais en VOD le dernier film du Suédois Roy Andersson. Un chef-d'oeuvre de poésie désabusée, sur la douleur d'une humanité condamnée à la souffrance. Un film beau et dur, qui résonne particulièrement avec la crise que nous traversons actuellement...
Le 8 avril, aurait dû sortir sur grand écran Pour l'éternité (About Endlessness), dernier volet d'une quadrilogie sur l'absurdité de la condition humaine du Suédois Roy Andersson. Crise du coronavirus oblige, on ne pourra pas profiter sur grand écran de ce film magnifique, récompensé du Lion d'argent du meilleur réalisateur à la Mostra de Venise en septembre 2019. Par défaut, son distributeur belge Lumière a choisi de le rendre accessible dès ce mercredi sur sa plateforme VOD "Lumière Ciné chez vous" au prix d'un ticket de cinéma: 8€. Une occasion à ne pas manquer en ces longues soirées à la maison...

Comédie existentielle
Cinq ans après son Lion d’or pour le fantastique Un Pigeon perché sur une branche réfléchissant au sens de la vie, Roy Andersson était donc de retour à Venise avec Pour l'éternité. Cinq ans, c’est rapide pour le cinéaste suédois, qui nous a habitués à de plus longs délais. Mais le bonhomme est apparu très affaibli sur le Lido, en chaise roulante. Peut-être qu’à 76 ans, il était impérieux pour lui d'aborder à nouveau les grandes questions métaphysiques dans un comédie dans la lignée directe du Pigeon (2014), des Chansons du deuxième étage (2000) et de Nous, les vivants (2007). Sur cette thématique choisie de l'infini et de l'éternité, Andersson compose en effet à nouveau une série de petites vignettes sous forme d’instantanés de vie philosophico-comiques, où il évoque la religion, l'amour, le travail, le couple, l'aliénation, la guerre...
Si la forme n’a pas changé (tournage en studio, plans fixes, jeu atone des acteurs, lumières blafardes...), la tonalité est elle aussi toujours la même. Andersson pose toujours le même regard plutôt désespéré sur l’humanité, sa vanité, sa petitesse. Sa petitesse morale, mais aussi à un niveau beaucoup plus physique: sa place minuscule dans l'univers. Le cinéaste a en effet cette fois les yeux tournés vers le ciel, alors que le titre du film apparaît sous la forme d’étoiles dans la nuit et qu’un couple enlacé flotte dans les nuages, au-dessus de la ville de Cologne détruite par les bombardement. « Un jour, j’ai vu un homme/une femme... », récite une voix féminine en off, pour introduire le film, puis pour commenter ces petits sketches qui, tous, d’une manière plus ou moins évidente, abordent la question, pas tant de l’infini, que de la finitude humaine... Car, fardés de blanc, parlant et se déplaçant avec lenteur, les personnages de Roy Andersson semblent déjà morts, comme des zombies portant, sur leurs frêles épaules, tout le poids de l'existence.

Une profonde humanité
Si le cinéma d'Andersson est anti-naturaliste par excellence, il marque pourtant profondément le spectateur, provoquant chez lui de nombreuses émotions. À commencer par le rire bien sûr, mais jamais la moquerie. Face à ces êtres fragiles, qui nous ressemblent tellement, on est plutôt dans une forme d'empathie profonde. Car derrière la froideur apparente, se cache un cinéaste au contraire empreint d'une immense humanité, faisant naître en nous tristesse et mélancolie.
Très minimaliste, Pour l'éternité paraît peut-être un peu moins profond qu’Un pigeon perché sur une branche, notamment sur la dimension historique. Roy Andersson n'en signe pas moins un film éminemment singulier, où chaque cadre, chaque ligne de dialogue, chaque situation portent sa signature. Et si le Suédois ne fait toujours pas vraiment dans l'optimisme, son dernier film est éclairé par un ou deux moments plus lumineux, notamment quand il met en scène des personnages les plus jeunes. Comme une note d'espoir malgré tout quant au devenir de l'Homme.


About Endlessness / Pour l'éternité Comédie philosophique De Roy Andersson Scénario Roy Andersson Photographie Gergely Pálos Avec Ania Nova, Lesley Leichtweis Bernardi, Martin Serner, Lisa Blohm, Kristina Ekmark... Durée 1h18
Pour les longues soirées de confinement
Alors que les salles de cinéma ont dû fermer leurs portes dès samedi, les distributeurs ont dû s’organiser rapidement. Tout d’abord en annulant et en reportant toutes les sorties prévues dans les semaines à venir, mais en réfléchissant également à proposer des sorties alternatives, en vidéo à la demande. Une annonce en ce sens reprenant les principaux distributeurs indépendants et les principales plateformes VOD belges (Voo, Proximus, Universciné...) devrait être faite d'ici quelques jours. En attendant, Lumière a choisi de "sortir" Pour l’éternité dès ce mercredi sur sa plateforme VOD Lumiereseries.com.
Lancé initialement pour proposer des séries scandinaves (Wallander, Les Enquêtes du Département V, Camilla Läckberg…), le service propose également à la location (env. 5,99€) et/ou à la vente une bonne partie du catalogue cinéma Lumière. Avec d’excellents films comme Boyhood de Richard Linklater, Les Adieux à la Reine de Benoît Jacquot, Trois souvenirs de ma jeunesse d’Arnaud Desplechin, Girl de Lukas Dhont ou encore Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois.
Depuis mercredi, s’est donc ajouté un onglet « Ciné chez vous », consacré aux films qui auraient dû être en salles en ce moment… Pour le prix d'un ticket de cinéma (8€), on peut regarder en ligne Pour l’éternité de Roy Andersson, mais aussi l’excellent film d’animation J’ai perdu mon corps de Jérémy Clapin ou, prochainement, La Vérité du Japonais Hirokazu Kore-eda, avec Catherine Deneuve et Juliette Binoche, ou Matthias & Maxime du Québécois Xavier Dolan. Parfait pour ces longues soirées à la maison qui s’annoncent…