En Belgique, le "clap' de reprise grince pour les tournages
Publié le 10-06-2020 à 21h52 - Mis à jour le 11-06-2020 à 09h46
:focal(1275x858:1285x848)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/4EXHB6DYGVDLTLX3GMP6ARKTR4.jpg)
En Belgique, les discussions se poursuivent pour permettre aux équipes de repartir en tournage, que ce soit pour les séries ou pour le cinéma. "Trois tournages de séries belges étaient programmés cet été. Toutes les équipes (Coyote et Baraki) sont en train de faire leur préparation en se fixant les dates de fin juillet, début août pour être sûrs. Et la série Pandore vise le mois de septembre. Restent aussi les quelques jours de tournage de la série Invisible arrêtée en mars dernier", précise Marc Janssen de la RTBF.
"Invisible a poursuivi son montage pendant le confinement et voudrait pouvoir soumettre son premier épisode au Festival de la fiction de La Rochelle, en septembre prochain. On vise toujours une diffusion à l’automne. Si on teste bien les gens et qu’ils sont bien prudents quinze jours avant, cela devrait être possible de tourner en juillet."
Le problème des assurances
Pour les producteurs, se pose la double question des assurances qui ont augmenté leur prime et du fonds de garantie qui devrait permettre d’indemniser les productions en cas de maladie et d’arrêt de tournage. "On attend les résultats des discussions en cours pour le fonds public qui devrait voir le jour en Fédération Wallonie-Bruxelles, mais tant que ce n’est pas validé, tout reste hypothétique. Tous les producteurs sont d’accord de ne pas partir en tournage sans cette garantie ; ce serait trop risqué. En même temps, tout le monde a peur de l’embouteillage et qu’en cas de report, certains acteurs ou techniciens ne soient plus libres. D’où la nécessité de réorganiser les plannings, surtout quand on a à cœur que ce soit des projets 100 % belges", souligne Marc Janssen de la RTBF.
"Le fonds de garantie doit couvrir le risque d’arrêt et les cas de maladie éventuels. Ils ont rédigé un protocole listant toutes les choses à prévoir et à faire en fonction des cas qui se présenteraient sur le tournage. Tout cela est assez précis, mais pas encore validé. Les discussions sont toujours en cours entre l’UPFF (Union des producteurs francophones) , le cabinet de la ministre Linard (Écolo) , le GEES (le groupe d’experts en charge du déconfinement) , le ministre du Budget, le ministre-Président. On est proches d’un accord mais la reprise ne pourra avoir lieu que lorsque ce fonds de garantie sera en place. On espère pouvoir démarrer début juillet car on sait que beaucoup de tournages doivent se faire en été. Soit parce que des enfants sont impliqués, soit parce que l’histoire le demande. C’est l’échéance que tout le monde a en tête. Le fonds de garantie est à la fois une question technique et budgétaire", précise Jeanne Brunfaut, du Centre du cinéma et de l’audiovisuel.
Une autre inquiétude est bien sûr la "fragilité des sociétés de production qui ont conservé des frais fixes alors que l’argent ne rentrait plus et qui ont dû mettre beaucoup de personnes au chômage technique. On a vraiment essayé de voir ce qu’on pouvait faire au niveau du Centre du cinéma. Tout le monde a perdu des plumes pendant cette crise sanitaire et est pressé de redémarrer." Ce temps de latence représente aussi un casse-tête important pour la RTBF "qui doit garder un œil sur son calendrier de diffusion des séries belges…"
Objectif : clap de début le 1er juillet
À quand une reprise des tournages ? "J’aimerais bien le savoir", répondait mardi un professionnel, pourtant en première ligne des négociations. "Je deviens fou", répète en boucle un réalisateur, dont le casting tombera à l’eau s’il ne peut tourner en juillet.
Deux points sont en suspens : le protocole de mesures sanitaires "Covid-19" et le fonds de garantie, qui compensera le refus des assureurs de couvrir le "risque corona".
À tous les étages de la maison Belgique, cela s’active, avec comme objectif un clap de reprise pour le 1er juillet. Mais les interlocuteurs sont plus nombreux que dans la France centralisée et pas toujours assis autour de la même table au même moment : deux unions de producteurs (la VOFTP flamande et l’UPFF francophone), deux commissions paritaires pour les métiers du cinéma (CP 303.01) et de l’audiovisuel (CP 227). Des comités de concertation existent au niveau des Communautés tandis que le groupe d’experts chargé du déconfinement (le fameux GEES) relève du fédéral.
Enfin, les partenaires sociaux sont de sensibilité différente : les techniciens flamands sont plutôt des indépendants, en société ; les francophones des "intermittents", regroupés en partie au sein de Hors Champ.
Côté francophone, le Centre du cinéma et de l’audiovisuel de la Fédération Wallonie-Bruxelles, sous la houlette de sa directrice générale adjointe Jeanne Brunfaut, a aidé à la manœuvre, faisant le relais avec le cabinet de la ministre de la Culture, Bénédicte Linard (Écolo).
Le dialogue est "bon" nous assurait-on de diverses parts. Mais il peut aussi être "chaotique". Confirmation mercredi soir : une version synthétique des protocoles de deux unions de producteurs a été présentée aux deux commissions paritaires, sans avoir été soumise à Hors Champ. Qui a finalement été informé en fin de journée que le document a été communiqué au GEES, sans avoir pu se prononcer.
Des inquiétudes ignorées
Selon nos informations, le protocole ne contient que des mesures sanitaires. "On risque de nous demander de faire plus ( notamment appliquer les mesures sanitaires , NdlR ) avec moins, alors qu’on est déjà serrés en temps normal" nous dit Bruno Dussart, électro de métier et "sherpa" de Hors Champ. "Chaque département technique a ses propres contraintes et besoins" rappellent d’autres professionnels, qui redoutent que, crise aidant, le rapport de force joue : "Si tu es dans la précarité, le choix c’est de crever de faim ou y retourner, même dans de mauvaises conditions", selon Axel Jadin, régisseur. Rien n’est annoncé pour la protection juridique et sociale de techniciens qui seraient contaminés sur un tournage.
Une autre inquiétude concerne le "référent Covid". Les techniciens souhaitent que cette vigie sanitaire soit indépendante de la production, pour éviter les conflits d’intérêts. Il semblait y avoir "accord unanime", mais au final, ce référent serait un membre de l’équipe.
Hors Champ devrait réagir ce jeudi. Des techniciens évoquaient ces derniers jours un risque de "blocage" s’ils n’étaient pas entendus. Alors que tout le monde souhaite la reprise, le clap grince soudain.