"L’affaire Collini": un film à la mise en scène aussi superficielle que le traitement de ses thèmes pourtant plus que jamais universels
Marco Kreuzpaintner gâche l’adaptation de l’édifiant roman de Ferdinand von Schirach avec un traitement trivial.
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- Publié le 12-08-2020 à 09h20
- Mis à jour le 12-08-2020 à 09h21
Un homme, Fabrizio Collini (Franco Nero), entre dans une suite d’hôtel à Berlin et abat de trois balles dans la tête Hans Meyer (Manfred Zapatka), PDG renommé. Affaire simple et a priori sans appel, dont le jugement devrait être expédié. Sauf que le mobile est inconnu et que l’accusé, mutique, refuse d’expliquer son geste. L’avocat commis d’office, Caspar Leinen (Elyas M’Barek), dont c’est la première affaire en assises, s’acharne pourtant à découvrir les raisons de ce meurtre. Situation d’autant plus compliquée pour le jeune avocat qu’il fut très proche de Meyer, grand-père de son meilleur ami et de son ex-amour de jeunesse.
Ancien avocat, auteur de recueils de nouvelles remarqués, Ferdinand von Schirach signait en 2011 son premier roman, L’affaire Collini (Gallimard, 2014). Fiction judiciaire dont l’objet principal était de confronter la justice allemande d’après-guerre à ses compromissions (objectif atteint : une commission d’enquête se pencha sur la question en 2012).
Von Schirach y livrait une réflexion passionnante sur la notion de Justice, l’Histoire et la vengeance - sans oublier la dimension humaine du métier d’avocat. Sujet complexe dont les ramifications demeurent on ne peut plus pertinentes à l’heure où l’amnésie menace, où certains États tendent à réécrire leur passé ou manquent de courage pour le solder.
Il faut, hélas, attendre le dernier quart de cette adaptation pataude pour entrer dans le vif de ce sujet-là. Auparavant raccourcis et simplifications n’auront fait que grossir les ficelles de l’intrigue judiciaire - fondamentalement accessoire au regard du thème du roman.
L’un des artifices du roman devient incohérence dans le film, qui insiste lourdement dessus : le lien quasi filial entre Meyer et Leinen. On pouvait l’accepter dans le roman comme une projection métaphorique de l’auteur et, à travers lui, d’une génération tout entière : l’avocat-romancier est le petit-fils de Baldur von Schirach, haut dignitaire nazi, condamné au procès de Nuremberg.
Le duel entre l’avocat de la défense et celui de la partie civile qui, dans le roman, oppose deux conceptions (l’application de la lettre de la loi ou de son esprit) est réduit ici à une opposition manichéenne entre le jeune idéaliste et le cynique roué.
Von Schirach situait volontairement son roman en 2001 pour poser aussi la question des actes "terroristes" posés par des non-combattants avant que celle-ci ne devienne un débat passionnel dans nos sociétés. Dimension également évacuée par le film dont la mise en scène est tout aussi superficielle que le traitement de ses thèmes pourtant plus que jamais universels.
L’affaire Collini Thriller de prétoire De Marco Kreuzpaintner Scénario Christian Zübert, Robert Gold et Jens-Frederik Otto d’après le roman de Ferdinand von Schirach Avec Elyas M’Barek, Alexandra Maria Lara, Heiner Lauterbach, Franco Nero… Durée 2h03.
