"Garçon chiffon": Jérémie ou l’ultra-sensible attitude

Le premier film de Nicolas Maury explore quelques-uns de ses traumas de comédien.

"C’est presque trop", lui dit le metteur en scène à l’audition et c’est vraiment ça, le problème de Jérémie (Nicolas Maury). Résolument passionné, il fait tout à fond : aimer, vivre, jouer, s’engueuler, se désespérer et se battre avec ses souvenirs enterrés. Au risque de tout perdre, de lasser ceux qui l’aiment et l’entourent, de voir tout voler en éclats.

Pour sortir de cette spirale d’enfer et mieux préparer sa future audition ou son futur rôle au théâtre pour la pièce L’éveil du printemps de Frank Wedekind, Jérémie décide de quitter Paris et d’aller se mettre au vert chez sa mère (Nathalie Baye) qui tient des chambres d’hôtes à la campagne dans le Limousin.

En même temps, à force d’être à vif, à fleur de peau, Jérémie a de l’intuition, il sent les choses. Qu’il s’agisse de ses soupçons vis-à-vis de son compagnon, Albert (Arnaud Valois) ou de l’attitude de sa mère.

Jérémie est un jaloux hypersensible et on sent dans ce personnage toute la charge émotionnelle investie par le comédien Nicolas Maury revivant, par moments, certains traumas de sa propre enfance. Lorsqu’il chantait Marilyn et John de Vanessa Paradis, par exemple. Ou qu’il dansait un slow sur la musique de Ma chérie d’Anne Sylvestre. Cette sublimation des sentiments de mal-être ou d’amours contrariées le poursuit jusqu’au bout, une façon d’exorciser son mal-être dans une société qui le ridiculise ou le rejette.

Pour son premier film en tant que réalisateur, Nicolas Maury endosse un rôle très proche de celui qui l’a rendu célèbre dans la série Dix pour cent , Hervé, agent de stars à la fois cinglant et exubérant, qui semble très proche de sa personnalité fantasque, lunaire, résolument à part. Ses éclairs de drôlerie fendent un quotidien qui refuse de s’ancrer dans le banal, l’à peu près, l’ordinaire.

Entre caricature et affirmation de soi

Des scènes un peu "trop", il y en a quelques-unes dans le film - qu’elles fassent référence au présent ou au passé -, on ne les citera pas pour ne pas divulgâcher l’intrigue mais Nicolas Maury a assurément le sens de la comédie, du drame et même du grotesque comme autant de révélateurs de nos âmes engoncées dans la normalité ou la bienséance.

Pour reprendre l’analogie couturière suggérée par le titre du film, il y a un côté patchwork dans ce long métrage avec des pièces plus voyantes, presque criardes et d’autres plus douces. Le tout forme un ensemble disparate mais attachant. Qui dit beaucoup sur le métier de comédien, et sur le cinéma ou le théâtre, qui se nourrissent des névroses de leurs interprètes. Mais aussi sur la nécessité d’être à l’écoute et en accord avec soi.

Garçon chiffon Tragi-comédie De Nicolas Maury Scénario Maud Ameline et Sophie Fillières Avec Nathalie Baye, Théo Christie, Laure Calamy Durée 1h50.

"Garçon chiffon": Jérémie ou l’ultra-sensible attitude
©DR
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