Les premiers films des géants du cinéma : par où tout a commencé pour Spielberg, Lucas, Coppola, Scorsese et De Palma
A la même époque que George Lucas, De Palma, Coppola, Scorsese et Spielberg signent des premiers films marquants. A eux cinq, ils ont formé le Club des 5 du Nouvel Hollywood, surnommé les "Hollywood Brats".
- Publié le 13-03-2021 à 14h29
- Mis à jour le 14-03-2021 à 10h53
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George Lucas, Brian De Palma, Martin Scorsese, Francis Ford Coppola et Steven Spielberg ont formé un groupe informel surnommé les "Hollywood Brats" (les gamins d’Hollywood), avant-garde du Nouvel Hollywood.
Cette génération a bousculé l’industrie à la fin des années 1960. Dans un récent livre d’entretiens (1), Brian De Palma estime que leur point commun est d’être la première “génération de l’école de cinéma” : “On parle toujours de nous comme un groupe uni, mais on ne se voyait qu’à l’anniversaire de George !”, nuance le réalisateur de Carrie. Ce qui les unit, selon lui, c’est d’avoir été "solidaires les uns des autres" à leurs débuts à Hollywood, contrairement à une idée véhiculée dans Le Nouvel Hollywood de Peter Biskind (1998) sur leur prétendue rivalité. “Nous sommes restés en contact car nous traversions les mêmes épreuves.”
Lucas a aidé Coppola sur le montage du Parrain (la scène où Michael va voir son père à l’hôpital), De Palma a fait de même pour Mean Streets de Scorsese, qu’il l’a aidé à sauver la scène du massacre de Taxi Driver que les producteurs trouvaient trop violente. Tous ont débriefé la première du Star Wars de Lucas. Mission Impossible de De Palma a été post-produit au Ranch Skylwalker de Lucas.
Francis Ford Coppola, Les Gens de la pluie (1969)

Né en 1939 à Detroit, Coppola est l’aîné de la bande. Tout en menant ses études à l’Université de Californie à Los Angeles, le jeune homme fait ses premières armes dans l’écurie de Roger Corman. Homme à tout faire, Coppola est chargé notamment d’adapter des films allemand ou soviétique pour une distribution aux États-Unis, en réécrivant au besoin les dialogues ou en retournant des scènes. C’est dans cet esprit qu’il réalise son premier long métrage, le western érotique L’Ouest sauvage et nu en 1962, “mash up” de l’un de ses courts métrages. L’année suivante, alors qu’ils tournent The Young Racers en Irlande, Corman laisse carte blanche à Coppola pour réaliser Dementia 13, improbable slasher surfant sur le succès du Psychose d’Hitchcock, auquel George Lucas fera d’ailleurs un clin d’œil dans American Graffiti en 1973.
Les deux hommes se sont rencontrés sur le plateau de La Vallée du bonheur en 1968, comédie musicale avec Fred Astaire et Petula Clark que Coppola tourne pour la Warner, où Lucas est stagiaire. Se liant rapidement d’amitié, ils fondent à San Francisco leur propre société de production American Zoetrope, qui produira bientôt THX 1138 (1971) et, avant cela, Les Gens de la pluie (The Rain People) de Coppola en 1969, dont Lucas tournera un making of intitulé Filmmaker. Récompensé de la Coquille d’or à San Sebastian, ce road-movie féministe avant l’heure, emmené par la magnétique et méconnue Shirley Knigh, est le premier film personnel de Coppola. Sur les routes de l’Amérique rurale de la fin des années 60, il met en scène, avec élégance et sensibilité, l’errance d’une jeune New-Yorkaise enceinte, à la recherche de son identité en dehors du modèle qui lui impose la société américaine, celui de l’épouse sage. Sur sa route, elle croise James Caan et Robert Duval, que le cinéaste retrouvera trois ans plus tard dans son premier grand succès, Le Parrain… (H.H.)
Brian De Palma, Greetings (1968)

Né en 1940, Brian De Palma passe à la réalisation juste après Coppola. À la fin de ses études à l’Université de Columbia, il cosigne avec un professeur un premier long métrage, The Wedding Party (1964). Un jeune comédien de vingt ans, Robert De Niro, y fait ses débuts.
Après un second film, Murder à la Mod, De Palma rencontre un premier succès avec Greetings, en 1968, où il dirige à nouveau De Niro. Cette satire chronique la vie de trois amis new-yorkais qui veulent éviter de partir combattre au Vietnam. La mise en scène est caractérisée par un style différent pour chacun d’eux. Chacun a ses obsessions – qui seront celles de De Palma. Lloyd est fasciné par les théories sur l’assassinat du président Kennedy, survenu cinq ans plus tôt. Jon est un voyeur. Paul fait son apprentissage amoureux avec des partenaires sélectionnées grâce à un ordinateur (ou De Palma précurseur de Tinder). Tourné pour 43 000 dollars, Greetings en rapporte plus d’un million et reçoit l’Ours d’argent au Festival de Berlin 1969. Ce succès permet à De Palma d’être engagé par le studio Warner afin de diriger Get to Know Your Rabbit, son premier film hollywoodien – tournage qui se déroulera si mal que De Palma sera viré. Il retrouve à Hollywood Martin Scorsese, rencontré en 1965 à New York, et fait la connaissance de Francis Ford Coppola, George Lucas et Steven Spielberg, qui fréquente à l’époque Jennifer Salt et Margot Kidder, compagne de De Palma. (A.Lo.)
Martin Scorsese, Who’s That Knocking at My Door (1967)

Après des études à l’université de New York où il fréquente les cours de cinéma de la Tisch School, Martin Scorsese obtient une maîtrise en 1966. Un an après, sort son premier long métrage, Who’s That Knocking at My Door. Ce film marque la rencontre avec l’un de ses acteurs fétiches, Harvey Keitel. Ce dernier joue J.R., jeune homme qui vit de petites magouilles. Ses préjugés vont entacher sa relation avec la jeune femme dont il tombe amoureux. Il a fallu trois ans au jeune réalisateur de 25 ans, pour aboutir à ce premier opus sur le quartier de son enfance, Little Italy. Scorsese y collabore pour la première fois avec Thelma Schoonmaker, sa monteuse attitrée (elle a encore œuvré sur The Irishman, 2019).
Faute d’avoir pu commercialiser son film, Scorsese insère une scène de sexe entre Harvey Keitel et deux femmes afin de satisfaire un distributeur spécialisé dans les films érotiques. Le film est adoubé par deux idoles de Scorsese, aux antipodes l’une de l’autre. John Cassavetes le voit au Festival de New York et le trouve “aussi bon que Citizen Kane” et le producteur de séries B Roger Corman l’engage pour tourner Bertha Boxcar (1972). Scorsese s’envole pour Hollywood.
L’essai de Who’s That Knocking… sera peaufiné dans Mean Streets (1973), autre chronique de Little Italy, inspirée des copains d’adolescence de Scorsese. C’est le premier de ses dix films avec Robert De Niro et le premier distribué par le studio Warner. (A.Lo.)
Steven Spielberg, Sugarland Express (1974)

Steven Spielberg réalise son tout premier film en 1964, à 17 ans à peine, avec un budget de… 500 dollars et une caméra Super 8. Firelight, film de science-fiction sur la présence extraterrestre, ne connaît qu’une seule projection en salle devant 500 spectateurs mais il rassure l’adolescent sur sa capacité à mener un projet à bien. The Sugarland Express, son premier long métrage de cinéma, réalisé dix ans plus tard, est librement inspiré d’un faits divers réel survenu cinq ans plus tôt. Il traduit son regard désabusé sur la société américaine friande d’armes et de drames.
On y suit un couple de jeunes délinquants, Lou Jean et Clovis (Goldie Hawn et William Atherton). Bien décidés à récupérer leur enfant placé en famille d’accueil, ils prennent en otage un policier qui a voulu arrêter leur cavale infernale. Le calme qui règne dans l’habitacle offre un formidable contraste avec le ballet croissant des forces de l’ordre et de la population en ébullition, entre tensions exacerbées et enthousiasme partagé.
Pour son premier film, Spielberg démontre une belle maîtrise technique (cadrage, découpage, montage) mais aussi de la psychologie de ses personnages. Autant d’atouts qui lui serviront pour son film suivant, premier succès retentissant : Jaws (Les Dents de la mer) en 1975.
Malgré un prix du scénario reçu au Festival de Cannes, The Sugarland Express n’a pas remporté le succès escompté et il fut même un temps question de lui offrir un happy end pour contenter le public…
Ce film signe la première coopération avec deux fidèles collaborateurs de Spielberg : Vilmos Zsigmond, emblématique directeur de la photographie des années 70, et John Williams, dont la musique jazzy-folk épouse parfaitement la mélancolie de ce premier film. (LdS)
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