La connerie d’auteur selon Quentin Dupieux
Ce mercredi, sort en salles "Mandibules", une comédie 100 % loufoque emmenée par Guillaume Ludig et David Marsais, qui signe les premiers pas au cinéma du rappeur belge Roméo Elvis.
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- Publié le 07-06-2021 à 20h06
- Mis à jour le 08-06-2021 à 17h04
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À l’affiche, très riche, de la réouverture des cinémas, ce mercredi, on trouve notamment Mandibules , nouvelle loufoquerie signée Quentin Dupieux (*), auteur déjanté de Réalité avec Alain Chabat, Au poste ! avec Benoît Poelvoorde ou Le Daim avec Jean Dujardin. Le Français a cette fois imaginé deux personnages totalement attardés, campés par Grégoire Ludig et David Marsais (le tandem du Palmashow), qu’il confronte à Monique… une mouche géante. Pour une comédie potache sur l’amitié stupide mais hilarante.
Présenté en septembre 2020 à la Mostra de Venise, où nous avons rencontré Dupieux, le film apportait une vraie bouffée d’air frais au milieu de films plus sérieux. "J’ai la chance de pouvoir montrer ce genre de films en festival. Il y a quelque chose dans mes films qui rend la combinaison possible : c’est drôle, un peu spécial, mais OK pour les festivals. Je connais d’autres réalisateurs pour lesquels ce n’est pas le cas. Mais je suis ce qu’ils appellent un auteur : j’écris mes trucs, j’ai ma propre voix, qui connecte mes films ensemble…", analyse le cinéaste.
Un univers cinématographique, initié en 2001 avec Nonfilm, que Dupieux s’est créé en autodidacte. "Je n’ai jamais lu de manuel pour savoir comment écrire un scénario. J’ai commencé à 12 ans en essayant de reproduire des scènes de films d’horreur : un type avec un couteau et ketchup pour le sang. À l’époque, mon père avait l’une des premières caméras vidéo amateur. C’était une grosse caméra, avec le magnétoscope. Mon unique but après l’école, c’était de tourner des scènes. Puis ça a été un peu plus…"

Hommage aux films de monstre
Mais pourquoi cette idée de mouche géante ? "Tout le monde me le demande, mais je ne sais pas. La première idée que j’ai eue, c’était : une mouche géante coincée dans le coffre d’une voiture avec des ordures autour. Je ne sais pas pourquoi mais j’aimais cette idée et j’ai construit l’histoire autour", confie Dupieux. Une mouche qui, visuellement, rend hommage aux séries B. "Je voulais que la mouche soit organique. J’ai grandi en regardant tous ces films stupides, des années 1950 jusqu’à la fin des années 1980, avec des monstres en caoutchouc. Les effets numériques n’existaient pas encore… Pour moi, c’était logique d’aller dans cette direction. On a donc travaillé à l’ancienne. La structure interne est assez complexe, mais à la fin, c’est une marionnette, avec un marionnettiste avec ses mains à l’intérieur… Et puis on a recréé les pattes avec des effets spéciaux numériques."
C’est que Dupieux est, à l’instar d’un Michel Gondry, un adepte du cinéma low cost. Ce qui lui permet de financer, assez facilement, ses délires. "Celui-ci a été tourné en six semaines. Le prochain, que je commence à tourner lundi, ce sera sept semaines. Comparé à n’importe quel film français important, ce n’est rien ! Et j’ai assez d’idées ! En un sens, je préfère faire des tonnes de petits films à partir de petites idées que de travailler cinq ans sur un film à gros budget où l’on doit réécrire le scénario quinze fois", rigole le cinéaste.
Dupieux explique écrire d’abord, avant de penser à la production. "Je ne cherche pas à séduire mon producteur en lui parlant d’un film avec une mouche… Je vais le voir quand j’ai déjà un scénario, quelque chose de structuré et que je suis prêt à tourner. Je ne lui montre pas un projet, mais ce qui est déjà un film. Et puis maintenant, mes producteurs me font confiance. Ils savent où je vais, que je tourne vite, que je ne dépasse pas les budgets."

Les débuts au cinéma de Roméo Elvis
À côté de son duo à la Beavis et Butt-Head ou Dumb and Dumber, Dupieux a écrit des rôles sur mesure dans Mandibules pour Adèle Exarchopoulos (très loin de son glamour habituel) et pour le rappeur belge Roméo Elvis. "Il est habitué à jouer sur des scènes immenses, c’est une superstar, mais il n’avait d’un autre côté jamais joué dans un film. C’était comme un gamin découvrant un nouveau jouet. C’était très facile car il a l’étincelle… Avec un réalisateur qui l’encadre, il pourrait être un excellent acteur . Dans mes films, il y a beaucoup de musiciens, j’aime bien mélanger les gens ; je trouve ça intéressant", estime celui qui est également connu dans le monde de la musique comme Mr. Oizo, son nom de DJ.
Le bonhomme fait d’ailleurs un parallèle entre sa carrière de cinéaste et de musicien. Notamment dans son travail sur la langue ou sur l’utilisation des gimmicks - le "c’est pour ça" d’Anaïs Demoustier dans Au poste !, le taureau-check ici -, qui fonctionnent comme des refrains rythmant ses films. "C’est une façon de créer les personnages. Et c’est aussi lié au français. Même si c’est simple, je joue beaucoup avec les mots. J’adore les dialogues et je prends beaucoup de temps à les écrire. Et je demande aux acteurs d’être très précis sur ceux-ci car c’est comme de la musique pour moi", avoue Dupieux.
