Rosamund Pike : "Une des choses qu’on a vues durant cette pandémie, c’est combien la santé est un énorme marché et combien les solutions à nos problèmes valent beaucoup d’argent"
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Publié le 10-08-2021 à 11h10 - Mis à jour le 11-08-2021 à 11h25
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Un rôle en or ! Dans I Care a Lot de J Blakeson, Rosamund Pike incarne une vraie "bitch" en tailleur et hauts talons, une arnaqueuse qui fait son beurre en escroquant des retraités aisés. Un rôle qui, le 1er mars dernier, lui a valu le Golden Globe de la meilleure actrice dans une comédie. Quelques semaines auparavant, nous avions rencontré l'actrice britannique de 42 ans par Zoom, en compagnie de quelques journalistes internationaux.
Qu’est-ce qui vous a attirée vers cette histoire ?
C’était incroyablement bien écrit. J’ai trouvé très malin de raconter cette histoire d’abus de personnes âgées, non du point de vue des victimes, mais de celui de celle qui en tire profit. Cela va vers la satire, c’est plus facile à regarder mais avec autant d’impact. J’ai trouvé ça très intelligent. Marla ne ressemble à aucun personnage que j’ai rencontré : elle est éhontée, impitoyable, ambitieuse. C’est comme une racaille de rue habillée en vêtements de créateurs. Le film s’annonçait provocant et pas ordinaire. Cela valait la peine de prendre le risque.
Après Gone Girl (2014), vous retrouvez un rôle de femme puissante et glaciale…
Entre les deux, je crois avoir joué une large palette de femmes dont aucune n'avait ces attributs. Que ce soit dans Hostiles (de Scott Cooper, en 2017) ou Private War (en 2019). J'ai adoré jouer ces destins de personnes réelles. Mais quand je vois l'accueil de I Care a Lot, je me dis que, finalement, j'aurais peut-être dû revenir plus tôt sur ce territoire… Je crois qu'Amy Donne (son personnage dans Gone Girl, NdlR) a de nombreux fans. J'espère qu'ils retrouveront la même saveur dans ce film. Ce n'est pas que l'on cherche à m'enfermer dans un type de rôle ; c'est moi qui choisis quand aller dans ce sens.
En quoi compareriez-vous Marla et Amy ?
Ces dernières années, mes films étaient plus dans l'émotion, étaient très profonds sur l'expérience humaine. Ici, on est dans la veine de Gone Girl, dans quelque chose de plus malveillant. Et il y a évidemment quelque chose de terrifiant chez ces deux femmes brillantes. C'est toujours drôle de regarder un méchant mû par une vraie intelligence. On admire le génie de son plan. Amy commettait des meurtres de sang-froid ; c'était une vraie criminelle. Marla ne transgresse pas réellement la loi. La loi est justement faite pour que quelqu'un comme Marla gagne. En un sens, J Blakeson se moque du système américain, qui est conçu pour que les gens les moins honnêtes gagnent énormément d'argent… En un sens, dans I Care a Lot, on regarde un polar où le criminel n'enfreint en fait pas la loi…
Le film est une satire de la privatisation du système de santé aux États-Unis. Faites-vous un lien avec la crise sanitaire que nous vivons aujourd’hui ?
Évidemment ! Même si on a tourné avant la pandémie, on savait qu'on était en eaux dangereuses. On aborde les vieux, les personnes les plus vulnérables de la société, avec les enfants et les malades mentaux. Il est sain de poser des questions qui dérangent dans un divertissement. Surtout à propos d'institutions sur lesquelles on devrait pouvoir compter quand nos facultés mentales nous font défaut. Ce film pointe le fait qu'il y a un énorme business qui peut être fait là-dessus. Une des choses qu'on a vues durant cette pandémie, c'est combien la santé est un énorme marché et combien les solutions à nos problèmes valent beaucoup d'argent. Marla fournit un service qui résout de nombreux problèmes. Pour beaucoup de gens, leur ôter des mains les personnes âgées est un soulagement ; ils se disent : "Ouf, quelqu'un va bien s'occuper de ma mère…" Ils ne comprennent pas que quelqu'un comme Marla peut mettre la main sur leurs proches, même s'il existe évidemment des tuteurs légaux qui fournissent des soins attentionnés. Mais je suppose qu'on est tous devenus conscients que la santé et les soins aux personnes dépendantes est un énorme business.
Le film met en scène un couple de lesbiennes se battant contre les hommes et un boss de la mafia nain… Il casse pas mal les codes du genre…
Pour moi, elles ne se battent clairement pas contre les hommes. Le personnage de Peter Dinklage ne fait pas partie de leur plan au départ. Et elles en viennent à lutter contre la mafia russe par hasard. Je les vois comme des femmes ambitieuses, mais pas prises dans une guerre de genre. J’aime le fait que ce couple gay soit présenté tout à fait naturellement dans le film, sans en faire tout un drame. Et cela montre qu’on ne peut pas complètement détester Marla, puisque quelqu’un la trouve gentille et l’aime… Personne n’est blanc ou noir dans ce film, même les plus atroces trouvent quelqu’un qui les aime…
Dans Private War, la reporter de guerre Marie Colvin se casse des dents dans un moment de faiblesse. Ici, quand Marla se casse les dents, elle va se les faire remplacer…
Quand je pense au nombre de fois que certains ont dit à J que la scène où elle allait se faire réparer les dents pouvait être coupée, car elle n'était pas essentielle pour la narration ! Mais il n'arrêtait pas de leur répondre : 'Vous ne comprenez pas : le sourire de Marla est l'une de ses meilleures armes… C'est avec ça qu'elle peut désarmer les gens, leur faire croire qu'ils peuvent lui faire confiance. Réparer ce sourire est donc crucial !' Marla a plein de trous, de failles, mais son image doit être celle de la perfection, comme si elle n'avait aucune faille. Alors que Marie Colvin a dû, elle, vivre avec ses failles, avec les cicatrices de la vie…