Marion Cotillard : "Quand j’étais enfant, je me détestais"
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Publié le 20-10-2021 à 09h17 - Mis à jour le 20-10-2021 à 09h28
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Présenté le 6 juillet dernier en ouverture du 74e Festival de Cannes, Annette a permis à Leos Carax d'empocher son premier grand prix cannois, celui de la mise en scène. Présent à Cannes, mais toujours aussi fuyant, le cinéaste français a laissé toute la lumière à ses deux comédiens : Adam Driver et Marion Cotillard. En début de festival, on rencontrait l'actrice française dans la loge de la grande marque de haute couture dont elle est l'une des égéries, avec une vue imprenable sur la Croisette.
Dans Annette, comédie musicale totalement barrée sur un couple d'artistes et leur petite fille, Cotillard interprète une grande soprano. Si ce n'est pas elle qui interprète les airs d'opéra, elle a néanmoins dû chanter face à Adam Driver. "J'adore chanter !, s'écrie-t-elle avec enthousiasme. Je chante presque tous les jours. La musique fait vraiment partie de ma vie ; je ne pourrai pas vivre sans. Mais ce projet est très spécifique. D'habitude, quand on fait une comédie musicale, on enregistre les chansons en studio, puis on chante en play-back sur le plateau. Ici, on chantait en live. C'est à la fois excitant et très stressant, car quand vous chantez, tout votre corps est engagé dans le chant. Mais ici, il fallait chanter tout en jouant, en étant couchée par exemple. Cela a demandé un gros travail durant la préparation pour y parvenir…"
Carax, esprit omniprésent
L'actrice française a été très impressionnée par sa rencontre avec le mystérieux Leos Carax, qu'elle qualifie d'"artiste" et de "poète". "Chaque petite chose dans ses films dit quelque chose de lui. Il est partout : dans une moto, une coiffure, une blouse, une couleur, un verre d'eau, la façon dont la table est disposée, dont le personnage bouge, dont je mange une pomme… Son esprit, sa douceur, son mystère et sa poésie sont partout !" Et ce même si, sur Annette, l'idée originale et les chansons viennent des frères Mael, les fondateurs du groupe Sparks. "Une partie du scénario ne vient pas de lui, mais il l'a fait sien, commente l'actrice. Avec moi, il a parlé de sa vision de mon personnage et m'a donné des clés de lecture. Je n'ai pas dû me battre, car cela correspondait parfaitement à la façon dont j'avais vu mon personnage à la première lecture du scénario. Et puis sur le plateau, il est habité par son art, son univers. Il est très doux, très précis."
Dans le film, Marion Cotillard incarne Ann, la mère de la petite Annette, dont le couple avec Adam Driver finit par battre de l'aile… "Ann est très complexe. Ce qu'on a d'abord vu en elle avec Leos, c'est sa façon de réagir quand on lui prend quelque chose. Elle est douce, aimante ; c'est une gentille mère. Mais ne lui volez pas quelque chose de vital pour elle ! La noirceur est déjà en elle. Ce sont des personnages très noirs, même si cela ne se voit pas immédiatement chez elle…", analyse l'actrice.
Si elle se dit très différente de son personnage, Cotillard partage avec elle le fait d'être une artiste à la recherche de l'amour du public. "Ce qui a résonné en moi quand j'ai lu le scénario et qui est l'un des thèmes du film, c'est le besoin de reconnaissance. Comment cela vous affecte, comment cela peut vous construire ou vous détruire. Et comment cela influe sur les gens autour de vous, spécialement vos enfants. J'ai toujours vu le besoin de reconnaissance comme une sorte de pathologie. Personnellement, j'ai eu besoin de travailler là-dessus, pour comprendre pourquoi j'avais ce besoin d'être regardée, écoutée, aimée. Je crois qu'on a tous besoin de reconnaissance, dès le départ : de nos parents, puis de la famille, des amis… pour trouver sa place dans le monde. Chez un artiste, ce besoin est plus vital encore. Et si cette reconnaissance ne vient pas ou qu'on vous l'enlève, il peut y avoir une forme de transfert sur vos enfants. Et vous voyez en eux autre chose que ce qu'ils sont : votre propre frustration. Et cela va les affecter. J'ai trouvé que c'était une façon très intéressante d'aborder ce sujet. C'est vraiment ce qui reflétait ma vie en lisant le scénario", réfléchit l'actrice.
Star internationale auréolée d'un Oscar pour son interprétation d'Edith Piaf dans La Môme en 2008), jouant régulièrement à Hollywood, Cotillard avoue avoir longtemps souffert d'un manque de confiance en elle. "Les récompenses apportent de la confiance, c'est sûr, mais cela ne dure pas éternellement. Je suis arrivée à la conclusion qu'une reconnaissance extérieure n'apaise jamais cette soif de reconnaissance. Cela ne peut venir que de l'intérieur, de l'amour-propre. J'ai compris cela car, après toute cette reconnaissance que j'ai reçue, j'étais toujours dans le même état… Si vous ne vous aimez pas, vous remettez en question le fait qu'on puisse vous aimez et l'amour qu'on reçoit est difficile à accepter. J'ai souffert d'un manque de confiance et j'en souffre toujours. Quand j'étais enfant, je me détestais. Adolescente, je ne savais pas comment j'allais pouvoir vivre toute ma vie avec moi-même. Ça m'était insupportable. Mais j'ai rencontré des gens qui m'ont vraiment aidée à accepter qui j'étais. Mais c'est un long chemin", confie la comédienne.
Pour Cotillard, cette réconciliation avec elle-même est passée par un moment-clé dans sa vie, qu'elle ne peut pas partager, car "très intime". "Mais j'ai fait quelque chose pour moi quand j'avais 20 ans. J'en avais besoin, car j'étais vraiment misérable. J'avais envie de guérir un traumatisme et je l'ai fait. Je suis celle qui a décidé : OK, maintenant, je dois réparer cela. Et j'ai commencé à le faire. Je me suis alors regardée en me disant : Waow, tu fais quelque chose pour toi. Il doit donc y avoir un peu d'amour-propre au fond de toi. S'il est là, tu peux le faire grandir…", conclut l'actrice dans un beau sourire désarmant…