"New Order": exécutions sommaires, viols, torture… une vision désespérée de l’avenir du monde et du cynisme des gouvernants
Grand Prix du jury à Venise en 2020, Michel Franco signe une fable radicale sur l’état de la société mexicaine.
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Publié le 08-12-2021 à 09h27 - Mis à jour le 08-12-2021 à 09h32
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Une heure et demie, même pas, pour décrire l'effondrement de la société mexicaine et plonger le spectateur dans le cauchemar de la violence. Telle est la proposition radicale de Michel Franco avec Nuevo Orden, qui décrochait, en septembre 2020, le grand prix du jury de la 77e Mostra de Venise. Où il était déjà de retour en septembre dernier avec le plus anecdotique Sundown, avec Tim Roth (qui devrait sortir prochainement en salles).
Découvert avec Después de Lucía en 2012, qui explorait déjà la violence, à travers le portrait d'une jeune lycéenne harcelée par ses condisciples, Michel Franco est l'une des voix les plus singulières du cinéma mexicain contemporain. Pour son sixième long métrage (après Les Filles d'Avril, prix spécial du jury Un certain regard à Cannes en 2017), il opte pour une approche sans concession, pour décrire la lutte des classes dans son pays.
Irruption du réel dans la bulle
Rayonnante dans son tailleur rouge, la jolie Marianne (Naian González Norvind) fête son mariage dans la superbe maison de ses parents, dans un quartier chic de Mexico. La bonne humeur est évidemment de mise, mais il règne pourtant une grande tension. C’est que la ville est en ébullition. Partout, des manifestants, armés de peinture verte, exigent plus de justice sociale. La police est sur ses gardes et, à la radio, on parle de faire descendre l’armée dans les rues… La fête BC-BG est alors troublée par l’arrivée d’un ancien employé, qui supplie cette famille richissime de lui prêter les 7500 € dont il a besoin pour faire opérer sa femme en urgence dans une clinique privée. Une première intrusion du vrai monde dans cette bulle ultra-protégée. Pas la dernière…
Abordant frontalement la question des inégalités - d'autant plus forte au Mexique, où les plus riches ont déjà fait sécession, en s'installant dans quartiers clos ultra-sécurisés -, Michel Franco dénonce l'omniprésence de la violence, qu'elle soit sociale ou purement physique, en n'éludant rien à l'écran : exécutions sommaires, viols, torture… Pourtant, malgré son explosion à l'écran, cette violence, froide, sèche, n'apparaît jamais complaisante. Elle est le moteur même d'un film visuellement très impressionnant, qui propose une vision désespérée de l'avenir du monde et du cynisme des gouvernants. Très intrigant, Nuevo Orden est une dystopie au parfum étrangement prémonitoire, sur lequel plane l'ombre de la crise des "gilets jaunes", selon son auteur. Comme s'il n'anticipait que de quelques années l'effondrement de nos sociétés…
Nuevo Orden / New Order Dystopie Scénario & réalisation Michel Franco Photographie Yves Cape Avec Diego Boneta, Naian González Norvind, Mónica Del Carmen… Durée 1h28.
