“Rimini”: Le regard sans fard d’Ulrich Seidl

En compétition au 72e Festival de Berlin, le réalisateur autrichien dépeint la relation mercantile entre un père et sa fille. Triste et sordide, comme à son habitude.

“Rimini”: Le regard sans fard d’Ulrich Seidl
©Ulrich Seidl Filmproduktion

Une chorale de seniors entonne une chanson dans un réfectoire. À l’étage, l’un d’eux, Ekkerhart, peste contre les sorties de secours fermées à clé. Métaphore des personnages (et du spectateur) qu’Ulrich Seidl s’évertue à piéger dans des situations sordides ?

Né à Vienne en 1952, Ulrich Seidl fête ses septante ans cette année. Il ne quitte pas la veine d'un cinéma frontal et sans concession qu'il creuse depuis Dog Days (2001), pour le versant fictionnel d'une œuvre qui fait aussi des incursions dans le documentaire – entremêlant parfois les deux.

Le home, décor de départ de Rimini, est rapidement quitté pour suivre Richie Bravo (Michael Thomas), le fils d'Ekkerhart. Après avoir assisté aux obsèques de sa mère, ce crooner de resort retourne à Rimini, où il exerce son activité pour les cars de (vieilles) touristes allemandes qui se pâment comme des midinettes. Occasionnellement, Richie ne dédaigne pas accorder ses faveurs à l'une ou l'autre. Une manière d'améliorer l'ordinaire.

Sa fille Tessa (Tessa Göttlicher), qu’il n’a plus vue depuis douze ans et pour laquelle il n’a jamais payé de pension alimentaire, débarque et lui réclame son dû : 30 000 euros. Richie n’en a pas le premier centime malgré ses activités. Pour réunir la somme, il ira jusqu’au bout de l’abjection en vieux renard rompu à sa survie.

Peinture sans concession

Ulrich Seidl recycle des thèmes de ses films précédents, peinture peu amène d'une société occidentale où dominent, sous son regard, la solitude et le mercantilisme. Le sexe tarifé pour troisième âge était déjà présent dans Import-Export (2006) et dans Paradis : Amour (2012).

Envers des cartes postales : il neige, il vente, la lumière blafarde fait ressortir la décrépitude des lieux et des corps. On se croirait dans des photographies de Martin Parr, l’humour en moins. Effet renforcé par les plans fixes, rigoureusement cadrés et composés, caractéristiques du cinéma de Seidl.

Le regard du réalisateur est cru, sans complaisance, guidé par une sorte d’objectivité radicale qui laisse le sexe triste s’ébattre dans les paysages hivernaux de la station balnéaire de l'Adriatique ou chaque génération de soutirer du fric à la précédente (Richie vis-à-vis de son père, Tessa vis-à-vis de Richie). Comme d’autres de ses pairs autrichiens, Seidl ne nourrit guère de doute sur la xénophobie latente de ses compatriotes – ou de l’Occidental moyen. La manière dont il essaime des réfugiés miséreux sur le parcours de Richie jusqu’à un envahissement littéral en fin de parcours prêterait presque à confusion quant au fond de la pensée du réalisateur.

Misère affective et morale

Seidl n’est pas de confession protestante mais a été élevé dans un catholicisme rigoriste. Éducation qu’il évoque régulièrement pour expliquer la nature de la comédie humaine qu’il filme.

Si un réalisateur est démiurge, Seidl est bien l’équivalent d’un dieu qui observe ses créations se débrouiller avec leur (triste) condition de mortel.

Ulrich Seidl jure qu’il ne juge pas ses personnages. Soit. Les aime-t-il ? Il assure que oui, même si la misère affective et morale dans laquelle il les plonge et les observe patauger permet d’en douter. Constatons à tout le moins que le monde selon Seidl est triste et sans rédemption. Ce cinéma-là est peut-être courageux, car sans fard, mais pas de nature à nous faire aimer notre prochain.

Rimini Drame D'Ulrich Seidl Scénario : Ulrich Seidl, Veronika Franz. Avec Michael Thomas, Tessa Göttlicher, Hans-Michael Rehberg, Inge Maux, Claudia Martini… 1h54

“Rimini”: Le regard sans fard d’Ulrich Seidl
©LLB
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