Écouvillons et FFP2 remplacent strass et paillettes au festival du film de Berlin
La distanciation sociale s’impose aussi sur le tapis rouge.
- Publié le 14-02-2022 à 12h57
- Mis à jour le 15-02-2022 à 12h17
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"Cela vous dérange si je retire mon masque ?" La question, toujours suivie d'une réponse positive, devient rituelle après quatre jours. Même si les organisateurs du Festival du film de Berlin imposent un strict port du masque FFP2 sur tous ses sites, en entretien, journalistes et "talents" comme on dit dans le jargon, préfèrent se parler à visage découvert.
L’angoisse du test positif guette
Tout est fait afin qu’Omicron ne resquille pas dans les salles. Outre le strict port du masque FFP2 sur tous les sites, chacun doit se faire tester quotidiennement, en plus d’avoir montré son pass vaccinal (trois doses requises) à l’arrivée. L’angoisse du test positif guette donc le festivalier.
Après Cannes, déplacé de mai à juillet l’an dernier, la Berlinale s’est convertie aux normes d’un festival en pandémie. La Berlinale a toujours été moins bling-bling que son homologue de la Croisette. Sa 72e édition a troqué son peu de strass et de paillettes contre écouvillons et FFP2.
En septembre 2020, la 77e Mostra de Venise a été le premier festival de cinéma d’envergure internationale à revenir à une édition "physique" avec projections en salle et devant un public pluis clairsemé. Suivant le modèle fixé par la Mostra, l’accès aux projections se fait sur réservation à la Berlinale. La jauge des salles est limitée de moitié (un siège de distance étant observé entre chaque spectateur). Impact positif : il n’y a plus de file d’attente et le festivalier est assuré d’avoir sa place réservée - ce qui agace certains qui aiment choisir leur petite place.
La découverte des œuvres s’en trouve pourtant facilitée, puisque la réservation implique la garantie d’avoir une place et dispense de faire le pied de grue parfois plusieurs dizaines de minutes avant le début d’un film.
Ambiance léthargique
Ce qu’on gagne en tranquillité d’esprit, on le perd en effervescence. Faute de public et de fans, il règne une ambiance un peu léthargique aux abords du Berlinale Palast, centre névralgique du festival. Les soirées mondaines sont officiellement proscrites. Certaines sont toutefois organisées. On nous a rapporté l’exemple d’une soirée avec deux cents convives dans un club berlinois pour la première mondiale d’un film en compétition.
Personne ne s’éternise dans les cinémas ou sur les lieux de rencontre. La distanciation sociale s’impose aussi sur le tapis rouge. Les membres des équipes de film s’autorisent à tomber le masque le temps de passer devant les photographes.
Après quelques titres isolés, lors de son édition virtuelle de 2021, la Berlinale 2022 est aussi la première à présenter autant de films écrits et tournés pendant la pandémie. Il est intéressant de relever sur les écrans les signes plus ou moins manifestes de l’air du temps.
Air du temps
La Française Claire Denis a fait le choix d'ancrer Avec amour et acharnement dans son époque. Les acteurs y portent le masque, même si la pandémie n'est jamais évoquée. C'est un accessoire qui y devient aussi commun qu'un téléphone portable. Une manière, peut-être, pour la cinéaste de souligner que "sans la pandémie, le film n'existerait pas" : le confinement l'a amenée à s'attaquer au scénario avec la romancière Christine Angot.
Au final, beaucoup d'œuvres ont un caractère confiné - qui aurait peut-être existé indépendamment du Covid. Peter von Kant de François Ozon se déroule dans un lieu unique. Comme un écho inconscient aux règles sanitaires, La Ligne d'Ursula Meier impose une distanciation (judiciaire) à son personnage principal, interprété par la comédienne belgo-suisse Stéphanie Blanchoud.
Le réalisateur chinois Li Ruijun, dont le film Return to Dust est en compétition, nous a expliqué que son acteur principal et lui, ainsi que leurs pères respectifs, ont construit eux-mêmes le décor principal de son film au plus fort de la pandémie.
A Love Song, premier film plein de tendresse de l'Américain Max Walker-Silverman, également tourné pendant la pandémie, laisse une grande distance entre ses quelques acteurs, sauf les deux principaux, Dale Dickey et Wes Studi, qui partagent plusieurs scènes d'intimité. "Pendant le tournage, Wes et moi logions dans la même maison alors que l'équipe était en bulle dans un autre lieu. Nous étions les seuls non masqués", nous a confié Dale Dickey. Célèbre pour ses rôles dans les séries Breaking Bad et True Blood, l'actrice sexagénaire a été la seule de tous nos interlocuteurs à conserver son masque FFP2.