Stéphanie Blanchoud en vient aux mains dans "La Ligne"
La comédienne et chanteuse belge a coécrit avec la réalisatrice Ursula Meier La Ligne avec la réalisatrice Ursula Meier, en compétition au Festival de Berlin.
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- Publié le 15-02-2022 à 12h29
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La Ligne est franchie dès sa première scène choc : des objets se fracassent sur un mur, des disques se brisent, des partitions volent… Une jeune femme (Stéphanie Blanchoud) hurle sa colère, deux hommes tentent de la contenir. En vain. Elle se précipite sur une autre (Valeria Bruni Tedeschi), la saisit par les épaules, une gifle part qui précipite la seconde la tête la première sur le clavier d'un piano. L'auteure de la gifle est projetée dehors. Fin de l'altercation.
Mais Christina, la mère, dépose plainte contre Margareth, sa fille. Un juge impose à celle-ci une mesure d’éloignement : elle ne peut pas s’approcher à moins de cent mètres de sa mère. Sans ressource, Margareth demande le gîte à son ex (Benjamin Biolay), qui accepte de mauvaise grâce. Entre ces deux-là, on comprend que la ligne a été franchie aussi. C’est que Margareth, sous son doux visage juvénile, cache un tempérament colérique et violent.
De l’origine de l’altercation violente, on ne saura rien, à part que Christina a eu un mot malheureux à l’égard de la plus jeune de ses filles, Marion (Elli Spagnolo). Bien qu’insignifiant, cela a réveillé quelque chose chez Margareth. C’est que Christina est violente à sa manière, mais par la parole plus que dans les gestes.
Tiraillée entre sa mère et sa sœur, Marion peint au sol une ligne bleue, marquant la limite des cent mètres que ne peut franchir Margareth. Cette frontière devient le lieu de rencontre et de dialogue entre les deux sœurs, le point où la transmission se fait, notamment à travers la musique, train d’union entre les sœurs et leur mère : Christina est une pianiste qui a renoncé à une supposée grande carrière à la naissance de Margareth. Celle-ci a gâché par son tempérament un début de carrière de chanteuse-compositrice. Marion apprend le chant avec l’aide de sa sœur.
Chez Ursula Meier, née et élevée entre la Suisse et la France, formée en Belgique, il est souvent question de frontière, de territoire délimité (Home, L'enfant d'en haut). La Ligne poursuit cette exploration à travers un conflit familial féminin – il y a aussi une troisième sœur, Louise (India Hair), la seule vraie médiatrice du quatuor.
Ursula Meier a coécrit cette histoire avec son actrice principale, Stéphanie Blanchoud. Là où le cinéma abonde en exposition, parfois complaisante et gratuite, de la violence masculine, elles traitent le sujet sous un angle exclusivement féminin. Première rupture avec les stéréotypes : le climax de violence physique ouvre le film. Le récit la déconstruit ensuite en explorant la dynamique familiale perverse qui l’a nourrie.
La Ligne est tout sauf linéaire. Comme celle tracée au sol par Marion, elle est circulaire. Il parcourt les obstacles d'un terrain accidenté, comme cette famille fracturée de longue date, bâtie sur des années de non-dits et d'incompréhensions.
Les montagnes, chères à la réalisatrice, délimitent aussi un récit circonscrit à une localité que Margareth s’échine à ne pas quitter, tentant par tous les moyens de communiquer avec sa mère. Mais celle-ci veut d’autant moins l’écouter que son geste a eu une conséquence sur sa capacité auditive.
Sous le chaos apparent, Meier compose une petite musique plaisante – avec l'aide mélomane de Benjamin Biolay et Stéphanie Blanchoud. La dernière – qu'on sait amatrice de boxe – y livre une performance juste ce qu'il faut de borderline face à une Valeria Bruni Tedeschi étonnamment délicieuse en mère égoïste et narcissique.
--> La Ligne Drame familial De Ursula Meier. Scénario Ursula Meier et Stéphanie Blanchoud. Avec Stéphanie Blanchoud, Elli Spagnolo, Valeria Bruni Tedeschi, India Hair, Benjamin Biolay,… 1h41
