La Berlinale salue femmes et paysans

La Berlinale a décerné mercredi l'Ours d'or au film "Alcarràs" de la cinéaste espagnole Carla Simón, portrait tendre et profond d'une famille d'agriculteurs bousculée par la modernité.

A.Lo (avec AFP)
La Berlinale salue femmes et paysans
©BELGA

Et de trois ! Après Julia Ducournau, Palme d'or à Cannes avec Titane , et Audrey Diwan, Lion d'or à Venise avec L'Événement , l'Espagnole Carla Simon a décroché l'Ours d'or du 72e Festival de Berlin pour Alcarras, ode aux petits exploitants agricoles d'un coin de Catalogne écrasé par le soleil. En un an, depuis le triomphe aux Oscars 2021 de Nomadland de l'Américaine Chloé Zhao, tous les principaux prix internationaux du cinéma ont récompensé des réalisatrices.

Majorité de femmes primées

Le jury de la Berlinale, présidé par le réalisateur américain M. Night Shyamalan, n’a pas fait dans la demi-mesure, en récompensant une majorité de femmes - dans une Compétition de dix-huit films où la parité parmi les réalisateurs était presque atteinte et où dominaient les récits portés par ou centrés sur des femmes.

Le prix de la meilleure réalisation a été attribué à la Française Claire Denis pour Avec amour et acharnement. Le prix spécial du jury récompense la Mexicaine Natalia Lopez Gallardo pour son premier long métrage, Robe Of Gems, polar sans fard mais inspiré qui met en évidence les faces sombres et tourmentées du Mexique contemporain.

Le prix de la meilleure interprétation, "non genré", une spécificité du festival allemand, a été octroyé à l'actrice germano-turque Meltem Kaptan. Elle tient le rôle principal dans Rabiye Kurnaz vs. George W. Bush du réalisateur allemand Andreas Dresen, qui a également reçu l'Ours d'argent du meilleur scénario, signé Laila Stieler. Également non genré, le prix du meilleur second rôle récompense aussi une actrice, cette année, l'Indonésienne Laura Basuki, pour son rôle dans Nana, d'une autre réalisatrice, Kamila Andini.

Dans la section parallèle des Rencontres (Encounters), c'est encore une réalisatrice qui a été distinguée, Ruth Beckermann, pour son documentaire situationniste Mutzenbacher dans lequel la cinéaste confronte des hommes à la lecture d'un texte pornographique célèbre en Autriche.

Dans ce palmarès féminin émergent toutefois les figures du Coréen Hong Sang-soo, habitué de la Berlinale, qui a reçu le Grand Prix du jury pour son nouveau drame en noir et blanc, The Novelist's Film, et le documentariste cambodgien Rithy Panh, qui a reçu l'Ours d'argent de la contribution artistique pour Everything Will Be OK, nouvelle méditation par le biais de figurines sur l'histoire tourmentée de son pays.

Les mutations du monde rural

À propos de l'Ours d'or, le jury, également composé du Japonais Ryusuke Hamaguchi (nommé aux Oscars pour Drive My Car ) et de la première cinéaste noire du Zimbabwe, Tsitsi Dangarembga, a salué la performance des acteurs qui ont su "montrer la tendresse et le combat d'une famille", et mettre en lumière "notre dépendance à la terre".

Carla Simon n'était pas la seule à rendre hommage aux paysans, bousculés par la modernité. C'était aussi la démarche du Suisse Michael Koch dans A Piece of Sky ou du Chinois Li Ruijun avec Return to Dust. Ce dernier a tourné dans son village natal avec une majorité d'acteurs non professionnels. Dans Alcarras, comme dans Return to Dust, c'est un monde rural en voie de disparition qui est archivé via la fiction.

La réalisatrice d'Alcarras a perdu très jeune ses parents. Carla Simon a remercié sa famille, "qui cultivait des pêches et sans laquelle [elle] n'aurai[t] jamais été aussi proche de ce monde". Elle a dédié son prix aux "petites familles d'agriculteurs qui cultivent chaque jour leur terre pour remplir nos assiettes".

Édition raccourcie

La 72e Berlinale s’est conclue jeudi, au terme d’une édition en présentiel, raccourcie à sept jours au lieu de dix. L’an dernier, le festival allemand avait été contraint à une édition en ligne uniquement.

L'édition de cette année s'est tenue au prix de mesures sanitaires drastiques, dont le port d'un masque FFP2 et des tests antigéniques quotidiens imposés aux festivaliers. Selon les chiffres officiels, moins de 1 % des festivaliers a été testé positif.

Mais la Berlinale a été désertée par les stars hollywoodiennes, toujours en raison de la pandémie. Certaines personnalités ont annulé leur venue en dernière minute, comme Isabelle Adjani ou Isabelle Huppert, qui devait se voir remettre une récompense pour l’ensemble de sa carrière d’actrice. Testée positive au Covid-19 la veille de sa venue, elle a dû renoncer au voyage à Berlin.

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