"Zaï Zaï Zaï Zaï": une satire savoureuse de l’infobésité

François Desagnat signe une adaptation réussie de "Zaï Zaï Zaï Zaï", la bande dessinée absurde de Fabcaro.

"Zaï Zaï Zaï Zaï": une satire savoureuse de l’infobésité

Fabrice (Jean-Paul Rouve) n’avait pas sa carte. Pas sa carte d’identité, ni celle d’un quelconque parti politique. Pas même celle de la Sécu. Ou, encore, son passe vaccinal. Non, ce jour-là, arrivé à la caisse de l’hypermarché, ce comédien ne trouve pas sa carte de fidélité. La caissière appelle le vigile, qui lui intime de ne pas faire d’histoire et de le suivre calmement. Saisi de panique, Fabrice saisit un poireau, menace tout le monde et prend la fuite. En quelques heures, il devient l’ennemi public numéro un.

À la télévision, entre deux flashs info sur sa cavale, les experts des talk-shows débattent de son geste - en veillant à mettre le pouce sur l’index ou à croiser les mains posément, selon leurs arguments.

La commissaire Jeanne Weber (Yolande Moreau) reprend du service pour traquer le fugitif, tandis que sa femme Fabienne (Julie Depardieu) devient la muse de Benjamin (Ramzy Bedia), l’acteur choisit pour incarner Fabrice dans le biopic qui lui sera consacré.

Ceux qui ont vu l'adaptation de sa bande dessinée Zaï Zaï Zaï Zaï au Théâtre de Poche, connaissent l'humour burlesque et pataphysique de Fabcaro - très prisé par le cinéma français ces temps-ci : Laurent Tirard a adapté l'an dernier son roman Le Discours .

Chuck Jones, créateur entre autres de Bip Bip et le Coyote, disait qu'il ne peut y avoir d'humour absurde "si l'on ne sait pas, d'une façon ou d'une autre, comment les choses devraient se passer normalement." Toute la saveur de Zaï Zaï Zaï Zaï est dans le décalage de situations ordinaires, comme purent l'être par le passé les cinémas de Blake Edwards ou des Monty Python.

Satire savoureuse

À l'heure où ne pas avoir le bon QR Code peut confiner à l'incivisme, voir un client de supermarché paniquer faute d'avoir sa carte de fidélité relève à peine de la caricature. Jean-Paul Rouve retrouve avec bonheur le registre qu'il pratiquait naguère avec sa bande des Robins des Bois. Tout le sel de la mise en scène de François Desagnat (Adopte un veuf) est de rester au premier degré, tout en conservant le découpage en sketches de la BD originale (une situation par planche, suivant la progression de l'intrigue).

On a changé le métier de Fabrice d’auteur de BD dans la BD à comédien, qui permet une mise en abîme savoureuse de leçon de comédie au vigile, durant la reconstitution du "crime". Afin d’étoffer le récit, on y a ajouté le personnage de Ramzy Bedia, acteur adepte de la Méthode au point de prendre ses quartiers dans le lit de son modèle.

Tout comme la BD de Fabcaro, le film livre une satire savoureuse de l’infobésité, de la vacuité des chaînes d’infos en continu, de leurs soi-disant experts qui brassent du vent, du buzz ou de la propension contemporaine aux théories du complot démontrées en deux poncifs et trois aphorismes de comptoir. Le film en devient un contrepoint joyeux à la polarisation médiatique des discours dans une France en campagne présidentielle postpandémique. La parodie vaut parfois mieux que tous les discours.

Zaï Zaï Zaï Zaï Comédie 'pataphysique' De François Desagnat Scénario François Desagnat et Jean-Luc Gage d'après la bande dessinée de Fabcaro Avec Jean-Paul Rouve, Julie Depardieu, Ramzy Bedia, Yolande Moreau,.... Durée 1h23.

"Zaï Zaï Zaï Zaï": une satire savoureuse de l’infobésité
©D.R.
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