Clio Barnard : "Je tenais à raconter l’histoire de gens qu’on voit peu à l’écran"
L’Anglaise Clio Barnard sort des sentiers battus pour dérouler une romance contre toute attente.
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Publié le 23-03-2022 à 09h44 - Mis à jour le 23-03-2022 à 09h46
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"Ali & Ava" est le fruit de votre rencontre avec l’acteur principal Adeel Akhtar. Comment est né le scénario ?
J'ai rencontré Adeel au Festival de Toronto, en 2016, où nous présentions chacun un film. Nous avons sympathisé et l'idée de collaborer sur un film ensemble est apparue. Nous avons jeté quelques idées sur la table et le personnage d'Ali en est sorti. Par la suite, j'ai commencé à écrire une ébauche de scénario en m'inspirant de personnes que j'ai rencontrées en tournant mes films précédents, The Harbor et The Selfish Giant.
Qui sont ces personnes ?
Moey et Rio. Moey est DJ et propriétaire, comme Ali, Rio est institutrice et mère célibataire comme Ava. Ils ne sont pas amoureux dans la réalité et ne s’étaient jamais rencontrés. Mais leur personnalité et leur origine ont influencé celles d’Ali et Ava. J’ai écrit une ébauche d’une page que j’ai soumis à Adeel. À partir de là, nous avons tenu des sessions de travail. Ma méthode de travail est d’improviser avec les comédiens durant ces répétitions : nous partons de propositions de scène, d’une situation. Les personnages s’affinent durant ce processus. Et je structure et réécris tout. C’est un aller-retour permanent. Pour le casting de Claire Rushbrook, qui joue Ava, j’ai procédé de même afin de trouver l’interprète qui avait la bonne alchimie avec Adeel.
Vous vous attachez à déjouer les codes du drame amoureux. Aviez-vous une sorte de liste de ce qu’il ne fallait pas faire ?
Je tenais à raconter l’histoire de gens qu’on voit peu à l’écran. L’idée était de partir de la structure d’un mélodrame mais de l’appliquer à des personnes de la vie réelle. L’histoire et la tonalité découlent de ce désir de coller à la réalité. J’ai imaginé que cette approche, nourrie du travail avec les comédiens, permet d’éviter les clichés.
Comment arrivez-vous à créer cette impression de spontanéité après tant de répétitions ?
On part de quelque chose de très libre, puis l’écriture cadre le contenu. Mais cela permet de retrouver la spontanéité, car les acteurs maîtrisent leur personnage et les situations. Claire et Adeel étaient vraiment immergés dans la réalité de leur personnage. La maison d’Ali est celle de Moey, la personne qui a inspiré Ali. Les locataires d’Ali sont les locataires de Moey. La maison de la mère d’Ali est vraiment celle où a vécu la mère de Moey avant sa mort. Claire a passé du temps avec des enfants dont s’occupe Rio.
Tout acteur est différent. Comment se marquent la différence et l’alchimie entre Claire et Adeel ?
Désolé, je vais dire un gros mot, mais Claire disait qu’Adeel aime bien foutre le bordel ! C’est une pile électrique. Il peut partir dans toutes les directions. Claire devait parfois le ramener sur les rails. Mais en même temps, elle s’amusait beaucoup. On retrouve aussi de cette interaction dans la relation entre Ali et Ava. Je dois dire qu’ils m’ont régulièrement fait rire et pleurer tous les deux.
Ce film-ci est très différent dans la forme de "The Selfish Giant", qui était différent de "The Harbor". Est-ce l’histoire qui détermine la forme pour vous ?
The Harbor était le plus expérimental des films que j'ai faits. Et il me paraît clair que dans son cas le sujet dictait la forme. Pour The Selfish Giant, je touchais consciemment au conte de fées. Et celui-ci est un croisement pour moi entre un mélodrame et une comédie romantique. Avec une touche de comédie musicale. Cela fait beaucoup de choses ! Mais le film reste ancré dans le réalisme. Donc, oui, pour répondre à votre question l'histoire guide les choix formels. Mais ce n'est pas conscient. Je dirais que cela se fait naturellement.
La musique est très importante. Elle caractérise les deux personnages. Qui l’a choisie ? Les comédiens, Moey et Rio ou vous ?
Je voulais trouver quelque chose qui accroche le public. La musique a été présente dès les répétitions. Certains titres étaient notés dans le scénario. Moey est un DJ. Et le père de Rio chante des standards irlandais au pub. Quand on tombe amoureux, la musique est souvent présente. Je suis d’une génération antérieure au streaming. De mon temps, on s’envoyait des mix tapes, des compils sur cassettes. C’était une forme de lettre d’amour. J’ai essayé de communiquer cela. Et j’avais une très bonne conseillère musicale.