"En corps": la reconstruction d'une ballerine

Cédric Klapisch chorégraphie le récit de la reconstruction d’une ballerine avec les danses comme métaphore de la vie.

"En corps": la reconstruction d'une ballerine

Elise est ballerine à l’Opéra. Avant une représentation de La Bayadère, en coulisses, elle aperçoit son compagnon embrasser une autre danseuse. Quand elle monte sur scène et entame un solo, la cassure intérieure devient physique.

Ouverture époustouflante

Après une ouverture époustouflante de quelque quinze minutes, sans dialogue et dans la description presque documentaire de la fébrilité qui précède un spectacle, Cédric Klapisch marque une autre rupture, avec un générique qui résume symboliquement le récit qui va suivre : Elise va suivre son chemin pour quitter le corps de ballet et retrouver son individualité.

En Corps est le récit d'une convalescence physique et psychique, d'une reconstruction voire d'une construction. Cœur et corps brisés, Elise doit se relever, rester en mouvement. Le destin la projette dans des rencontres vers la découverte et l'affirmation de nouvelles expressions.

Le double sens du titre souligne combien l’envie de persistance redonnera raison au corps, instrument de la danseuse. Passionné de danse, le réalisateur évoque idéalement la diversité de la discipline - du ballet au contemporain en passant par les danses de rue - tout en signant un récit intime.

On n'est pas dans Black Swan. La seule rivale d'Elise, c'est elle-même. Elle doit lâcher prise face aux événements. Apprendre à s'ancrer dans l'instant.

Mélange de registres

Il mélange lui-même les registres : drame, comédie, récit initiatique… Ce faisant, le réalisateur ne se prive pas de sacrifier aux codes de chacun, mais il les brasse ou les déconstruit avec grâce comme Elise qui interroge sa vocation avant de réinventer celle-ci sous une forme débridée.

Première danseuse à l’Opéra, Marion Barbeau passe haut la main son premier rôle au cinéma : magnétique, charismatique et touchante. Autour d’elle, les roués Pio Marmaï, François Civil, Souheila Yacoub et Muriel Robin font plus que de la figuration, chacun de leur personnage offrant un écho à Elise.

Denis Podalydès sauve par son art un père un brin caricatural et improbable (lequel sera à ce point hermétique à la vocation de sa fille et au drame que représente la fin de son ascension à l’Opéra ?).

Apport de Hofesh Shechter

Enfin, la présence du chorégraphe Hofesh Shechter dans son propre rôle n'est en rien gratuite (sans oublier de mentionner son apport à la musique coécrite avec l'ex-Daft Punk Thomas Bengalter) jusqu'à l'intégration de son spectacle Political mother : The Choreographer's cut. Le chorégraphe offre à Elise une douce leçon : "la faiblesse est un superpouvoir". Ou la danse comme métaphore de l'équilibre à conserver face aux épreuves de la vie.

De la représentation de La Bayadère aux jetés libres des danses contemporaines, Cédric Klapisch et son directeur de la photo Alexis Kavyrchine trouvent le cadre et la lumière justes pour nous faire vibrer à l’unisson d’Elise et Marion.

Le générique de fin, superbe improvisation de Marion Barbeau, achève la mue d'Elise et la fusion accomplie des genres. Encore !

En Corps Cœur de ballet De Cédric Klapisch Scénario Cédric Klapisch et Santiago Amigorena Avec Marion Barbeau, Denis Podalydès, Muriel Robin, Pio Marmaï, François Civil, Souheila Yacoub, Hofesh Shechter, Durée 2h.

"En corps": la reconstruction d'une ballerine
©D.R.
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