"Face à la mer" : Une vision déprimante de la jeunesse libanaise
Un premier long métrage sous forme de portrait, plombé, d’une jeune Libanaise de retour au pays.
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Publié le 06-04-2022 à 10h12
Une nuit, Jana (Manal Issa) débarque à l’aéroport de Beyrouth et rentre discrètement chez ses parents. Taciturne, la jeune fille ne confie ni à sa mère, ni à son père ce qui l’a poussée à quitter Paris, où elle suivait des études depuis deux ans, pour revenir au pays. Alors qu’elle a du mal à reconnaître la ville et à se remettre à l’heure locale, Jana revoit son ancien petit ami Adam (Roger Azar), musicien qui l’emmène à la découverte de quartiers désertés de la capitale libanaise…
En 2015, Ely Dagher décrochait la Palme d'or du meilleur court métrage pour Waves 98. Mêlant animation et photographie, le film nous plongeait dans un Beyrouth entre espoirs et désillusion. Avec son premier long métrage, le jeune cinéaste libanais reste dans la même tonalité. Après s'être lui-même exilé - notamment pour étudier à Londres -, Dagher est rentré s'installer au Liban. Les états d'âme de sa jeune héroïne sont donc largement inspirés par sa propre expérience.
Un pays en quête de sens
Tourné quelques mois avant les immenses explosions d'août 2020, qui ont ravagé le port de Beyrouth, Face à la mer s'attache à décrire, à travers le regard d'une jeune fille perdue, la géographie d'une ville en pleine mutation, en promenant notamment sa caméra dans des quartiers en chantier ou abandonnés avant même d'avoir été habités. Comme si toute la ville attendait quelque chose : un tsunami, une nouvelle guerre…
Partir ou rester ? C’est la question qui traverse ce drame intimiste sur les traces d’une jeune femme déracinée, qui a raté son rêve d’exil parisien, mais semble incapable de vivre au milieu des Libanais, qu’elle regarde (que ce soit ses parents ou leurs amis) avec, non pas mépris, mais une distance, un détachement qui la rendent malade.
Dans ce rôle sombre, on retrouve Manal Issa, révélée dans Peur de rien de Danielle Arbid et Nocturama de Bertrand Bonnello en 2016, revue depuis dans Une jeunesse dorée d'Eva Ionesco ou Memory Box de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige(*). Très convaincante, la jeune comédienne franco-libanaise tient parfaitement son personnage déprimé et antipathique, mais auquel elle parvient à conférer une vraie humanité.
Reste que, très poseur, Face à la mer est un drame plombé, qui prend son temps (près de deux heures) pour nous proposer une vision déprimante de la jeunesse libanaise et d'un pays qui se construit littéralement sur les déchets de son passé…
Face à la mer Drame Scénario et réalisation Ely Dagher Photographie Shadi Chaaban Montage Léa Masson et Ely Dagher Avec Manal Issa, Roger Azar, Yara Abou Haidar… Durée 1h56

(*) "Face à la mer" sort dans le cadre du programme "L'Heure d'hiver" du cinéma Galeries, consacré cette année à Beyrouth (4-17/4). Où l'on pourra également découvrir en avant-première "Memory Box". Rens. : www.galeries.be et Lalibre.be/cinema.