"Natural Light": ce film, Ours d'argent à Berlin, révèle un nouveau talent à suivre
Ours d’argent à Berlin l’an dernier, le premier long métrage du Hongrois Dénes Naguy cherche la lumière au cœur des ténèbres.
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Publié le 04-05-2022 à 09h12 - Mis à jour le 04-05-2022 à 09h14
Natural Light a pour toile de fond une part de l'histoire méconnue d'une armée oubliée : celle formée par quelque 100 000 soldats hongrois supplétifs plus ou moins consentants de la Wehrmacht sur le front de l'Est durant la Seconde Guerre mondiale. Des hommes de tous âges, parfois même réservistes âgés, comme le sous-lieutenant István Semetka (Ferenc Szabó).
Ce n’est ni la grande Histoire, ni celle de hauts faits, une note de bas de page dans les livres qui commence dans une forêt ukrainienne - coïncidence fortuite avec l’actualité. Entre 1941 et 1945, l’humanité a abandonné ces territoires pris dans l’étau d’une épuration sans précédent.
Loin des cartes d’état-major
L'ouverture atmosphérique de Natural Light a les échos herzogiens d'Aguirre, la colère de dieu : une armée dérisoire brinquebale dans une nature millénaire. Après avoir fait main basse sur le gibier de deux chasseurs, Semetka et son unité investissent un village de paysans, à la recherche de partisans communistes.
Économie des gestes, lassitude des corps, pauvreté des âmes : la misère du soldat de l’ombre côtoie celle des damnés de la terre. Ou comment résumer en quelques plans saisissants une guerre d’attrition qui s’étire loin des cartes d’état-major ou des mythes patriotiques.
Semetka, qui est aussi le photographe de sa compagnie, cherche à garder sa dignité d’être humain et de soldat tout en obéissant aux ordres. Peut-être reconnait-il les siens parmi les femmes, les enfants et les vieillards du village ? Ou bien pressent-il déjà que, demain, lui et sa famille occuperont la place ?
Quand survient l’inévitable, la réalité de la guerre le rattrape ainsi que ce village qui est devenu le sien par procuration.
Le réalisateur Dénes Naguy nous épargne l’indicible. Il laisse les exactions hors champ. Le voyeurisme n’ajouterait rien à ce que l’on ne connaît que trop bien.
Semetka ne peut pas se risquer à devenir un sauveur. Tout au plus ose-t-il détourner les yeux si cela lui permet de contourner son "devoir".
La beauté paradoxale de Natural Light, premier long métrage de Dénes Nagy, réside dans son regard de cinéaste. Le jury de la Berlinale 2021 lui a d'ailleurs décerné l'Ours d'argent du meilleur réalisateur. Il compose ses plans comme un peintre classique, avec l'aide de son directeur de la photographie Tamás Dobos. Au centre de leur quête symboliste, les quatre éléments sont tantôt ressource, refuge ou menace.
Tout en évitant un esthétisme déplacé, ils captent la lumière au cœur des ténèbres, au propre et au figuré. Scrutent les visages, s’arrêtent sur des mains sales, une chaussure trouée, l’œil d’un cheval, un mur calciné pour suggérer un contexte, un état d’âme, une émotion.
Lorsque Semetka résiste à la tentation du pire, un timide rayon de soleil éclaire l’arrière-plan. Tel un héros tragique de western, c’est un soleil couchant qui accompagnera son départ d’être humain à l’honneur aussi sauf que possible.
Natural Light Drame historique De Dénes Naguy Scénario : Dénes Nagy (d'après le roman Természetes fény de Pál Závada) Photographie Tamás Dobos Avec Ferenc Szabó, Tamás Garbacz, László Bajkó, Gyula Franczia,… Durée 1h43.
