Les joyaux du règne de platine d’Elizabeth II

Sans commentaire ni contexte, Roger Michell a conçu un montage d’images d’archive par thème. Avec un brin d’ironie.

Alors qu'on célèbre le jubilé de platine d'Elizabeth d'Angleterre, Elizabeth : A Portait in Part(s) de Roger Michell arrive sur nos écrans. La première image - somptueux portrait de Sa Majesté, les yeux fermés, semble témoigner de la conscience du réalisateur que la souveraine ne regardera probablement pas cette énième œuvre qui lui est consacrée.

Est-ce en tournant Tea with Dames, conversation entre les vénérables actrices Joan Plowright, Maggie Smith, Eileen Atkins et Judi Dench que Roger Michell a eu l'idée de ce regard rétrospectif sur la Reine ? Nous n'aurons pas eu la chance de poser la question au réalisateur de Coup de foudre à Notting Hill et The Duke (toujours en salles), disparu l'année dernière.

Aucune voix off ou interview n'éclaire le contexte des images. Les fans de la série The Crown reconnaîtront des épisodes (la gifle à Lord Altrincham, qui avait critiqué publiquement la Reine et sa cour).

L’effet, qui résulte de ce montage sans autre structure qu’un découpage thématique, est impressionniste, parfois teinté d’ironie. La répétition à travers les âges du fameux salut mécanique de la main produit un effet presque comique tout en soulignant la routine de la fonction.

Tout au plus Michell isole-t-il ici ou là une saillie (la reine se moquant de la fascination de Lech Walesa pour la taille du palais, avant de l’accueillir) ou un sursaut de naturel (Elizabeth au champ de courses).

Quand le réalisateur ose la critique, c’est par la bande. Ainsi de l’insertion parmi les images rituelles de la parade Trooping the Colour, de charges de cavalerie extraites de films historiques, mémoire du passé conquérant de l’Empire.

Commentaires par l’image

Nappant son montage de titres de la brit pop, Michell se permet un commentaire sur l'emblématique hit "Our House" de Madness en l'illustrant des nombreuses propriétés royales juxtaposées à un plan de maisons ouvrières. Par contre, il évacue l'hymne punk des Sex Pistols, "God Save the Queen", sorti la semaine du jubilé d'argent, en 1977 (éculé ou toujours choquant ?). Mais les images de misère et d'émeutes de la période citent le début de The Filth and the Fury (2000), film documentaire de Julian Temple sur les Pistols.

Michell est moins inspiré pour la séquence "Horribilis" consacrée à la tragique année 1992. Forçant le trait, Michell la monte avec des extraits de films sur la chute des Romanov. Même si la colère gronda lors de la mort de Diana, elle n’atteint jamais le niveau révolutionnaire…

Le syndrome de la reine - connu des premiers ministres socialistes - semble avoir frappé Michell, qu’on sent attendri quand il superpose l’inexpérience innocente de la jeune souveraine avec la bonhomie rouée de l’arrière-grand-mère de la nation.

Plus Fragment(s) que Regard(s), faute d'un point de vue tranché, ce Portrait trouve au final son analogie la plus pertinente dans le sourire de la Joconde, la meilleure arme de la Reine.

Elizabeth : Regard(s) singulier(s) / Elizabeth : A Portait in Part(s) Documentaire Scénario et réalisation Roger Michell Durée 1h29.

Les joyaux du règne de platine d’Elizabeth II
©D.R.
Vous êtes hors-ligne
Connexion rétablie...