"One Second": l’ode au cinéma de Zhang Yimou
Un hommage émouvant à la puissance du cinéma durant la Révolution culturelle chinoise.
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Publié le 01-06-2022 à 09h22 - Mis à jour le 01-06-2022 à 09h23
En février 2020, à la demande de la Chine, prétextant "des raisons techniques", la Berlinale avait été contrainte de retirer de sa sélection One Second, le dernier film de Zhang Yimou. Cinéaste emblématique, celui-ci a toujours eu une relation compliquée avec le régime chinois. Ours d'or à Berlin dès son premier film, Le Sorgho rouge en 1987, Yimou a triomphé en Occident avec Épouses et Concubines en 1991, puis Vivre ! qui, en 1994, posait un regard ironique sur la période du Grand Bond en avant. De quoi lui valoir quelques problèmes avec la censure chinoise…
À partir de Hero en 2002, Yimou met alors son immense talent de styliste au service d'un cinéma patrimonial chinois, renouvelant la vision du film d'arts martiaux. Suivront les tout aussi sublimes Le Secret des poignards volants et La Cité interdite . Le réalisateur est tellement rentré dans le rang qu'il se voit même confier, en 2008, la mise en scène de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques d'été de Pékin…
Retour aux origines
Mais avec One Second, Zhang Yimou revient aux origines de son cinéma, pour aborder la période de la Révolution culturelle. On ne saura sans doute jamais si le cinéaste a dû retravailler son film pour que celui-ci puisse finalement sortir sur nos écrans. Il n'en reste pas moins qu'il signe ici l'un de ses films les plus personnels. Non tant parce qu'il revient sur son expérience de la Révolution culturelle - issu d'une famille proche du Kuomintang, il a été contraint, en 1966, d'abandonner ses études pour travailler dix ans dans une ferme, puis dans un atelier de tissage. Mais parce que, à la manière d'un Tornatore dans Cinéma Paradiso, il met en scène sa fascination pour la puissance du cinéma.
Zhang Yimou ouvre One Second tel le grand styliste que l'on connaît, comme un western. Perdus dans un immense paysage désertique, deux personnages solitaires vont bientôt se rejoindre. Nous sommes au début des années 1970. Lui (Zhang Yi) s'est échappé d'un camp de travail pour récupérer une bobine de pellicule d'actualités cinématographiques. Elle (Liu Haocun) est une jeune orpheline qui finit par mettre la main sur ladite bobine. Ils se retrouvent dans un village perdu au milieu de nulle part où, avec l'aide de Mister Movie (Fan Wei), un vieux projectionniste, ils organisent une séance d'Heroic Sons and Daughters, film patriotique de 1964, à l'occasion de laquelle sera projetée la bobine…
La puissance du cinéma
Son film, Zhang Yimou le conçoit comme une ode au 7e Art. Tout en dénonçant subtilement l’absurdité de la politique de la Révolution culturelle, le cinéaste met en effet en scène avant tout l’amour des personnages pour le cinéma, pour sa capacité à créer en nous de profondes émotions, fusse dans des images de propagande…
Il faut voir Zhang Yimou filmer la minutie avec laquelle le vieux projectionniste, aidé de tous les villageois, parvient à nettoyer la pellicule de son film. Comment il monte celle-ci, avec délicatesse, sur le vieux projecteur. Ou comment, pour son ami, il crée une boucle pour que celui-ci puisse voir et revoir la seconde qui l’intéressait dans ce vieux film d’actualité. Cette seconde pour laquelle il a pris tous les risques…
Abordant avec délicatesse les relations filiales - que ce soit dans la relation entre le fugitif et Mr Movie, mais aussi avec cette jeune orpheline qui pourrait être sa fille -, Zhang Yimou livre un film profondément humain et universel, qui dépasse largement le contexte politique compliqué dans lequel il se situe…
One Second Drame historique De Zhang Yimou Scénario Zhang Yimou et Zou Jingzh Avec Zhang Yi, Fan Wei… Durée 1h45.
