"Aristocrats": la jeune femme réservée rencontre le garçon parfait, ils se fiancent. L’histoire pourrait s’arrêter là, pourtant elle ne fait que commencer…
Yukiko Sode signe un drame délicat sur la condition de la femme au Japon.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/5fe4e627-8f76-40cd-8b84-1471638c0a7a.png)
Publié le 24-08-2022 à 09h04 - Mis à jour le 24-08-2022 à 09h05
Fille d’une bonne famille de la bourgeoisie tokyoïte, Hanako (Mugi Kadowaki) a rompu ses fiançailles. Depuis, la timide jeune fille de 27 ans subit la pression de sa famille pour se trouver un mari. Elle va même jusqu’à accepter divers rendez-vous arrangés par sa sœur ou ses amies. Quand, enfin, Hanako tombe sur Kôishirô Aoki (Kengo Kora), un collègue de son beau-frère, ça semble être la bonne pioche. Issu d’une famille de politiciens encore plus aisée, le jeune homme, doux et attentionné, est le parti idéal. Mais sa fiancée découvre que Kôishirô entretient une relation ambiguë avec Miko (Kiko Mizuhara), une hôtesse issue d’une famille provinciale pauvre…
La place de la femme
Troisième long métrage de la cinéaste Yukiko Sode, Aristocrats est l'adaptation du roman de Mariko Yamauchi. Le film s'ouvre de façon inoffensive, à la manière d'un feuilleton romantique dont raffolent les Japonais. La jeune femme réservée rencontre le garçon parfait, ils se fiancent… L'histoire pourrait s'arrêter là. Elle ne fait que commencer… Le propos de Sode est en effet beaucoup plus subversif qu'il n'y paraît. Derrière l'élégance et la retenue très japonaises, Aristocrats est en effet un drame acide qui interroge la place réservée aux femmes dans la société nipponne.
Que ce soit avec ses amies, qui ne parlent que de leur mari, de leurs enfants, ou avec sa mère, qui lui conseille de "faire le gros dos" face à sa belle-famille, l'héroïne de Yukiko Sode baigne dans une société japonaise pétrie de convenances archaïques et de racisme social. À travers ses différents personnages, Aristocrats met en effet en scène crûment les inégalités sociales au Japon. Mais pas question pour la cinéaste de livrer un film sur la lutte des classes. Qu'elles soient riches ou pauvres, de Tokyo ou de province, ses personnages féminins vont au contraire se reconnaître et s'entraider. "Au Japon toutes les femmes sont stigmatisées selon tout un type de stéréotypes. Tout est fait pour qu'elles se jugent entre elles", se désole Itsuko, la copine d'Hanako, célibataire heureuse… Car c'est bien la sororité qui permettra à ces héroïnes, représentantes d'une génération nouvelle, de s'extraire de la condition à laquelle les condamne la société patriarcale japonaise.
Si l’angle est clairement féministe, il ne s’agit pas pour autant pour Yuki Sode d’accoucher d’une violente charge contre les hommes. Au contraire. Avec énormément de finesse, la cinéaste montre combien son personnage masculin est, lui aussi, prisonnier de son éducation, de sa famille, de son milieu social. La seule perspective pour le jeune homme consiste en effet à prendre la relève de son père et de son grand-père, à devenir politicien comme eux et ainsi perpétuer la tradition…
Aristocrats /Anoko wa Kizoku Drame Scénario et réalisation Yukiko Sode (d'après le roman de Mariko Yamauchi) Photographie Sasaki Yasuyuki Avec Mugi Kadowaki, Kiko Mizuhara, Kengo Kora… Durée 2h04.
