Venise électrisée par une romance cannibale avec Timothée Chalamet

Romantisme gore

Luca Guadagnino est un habitué de la Mostra, où il dévoilait en 2015 A Bigger Splash, remake de La Piscine avec Tilda Swinton et Matthias Schoenaerts, et, trois ans plus tard, Suspiria, remake du classique du giallo de Dario Argento. Déjà un film d'horreur… Dans Bones and All, l'Italien réussit un pari osé: faire cohabiter gore et romantisme!

Virginie, milieu des années a 1980. Alors qu’elle vient d’avoir 18 ans, Maren (Taylor Russel) est abandonnée par son père. Celui-ci ne supporte plus de devoir couvrir les agissements de sa fille, aux irrésistibles penchants cannibales. Sa dernière victime est une camarade lycée, qui l'a invitée à une soirée pyjama et à qui elle a... dévoré un doigt! Ce qui a forcé le père et la fille à fuir une nouvelle fois au plus vite la petite ville où ils avaient trouvé refuge.

Laissée seule à elle-même dans un bled du Maryland, Maren se met à la recherche de sa mère, qu'elle n'a jamais connue et dont elle sait juste qu'elle est née dans une bourgade du Minnesota. Dans son périple, la jeune fille va croiser la route d’autres "mangeurs" frappés du même instinct irrépressible qu’elle. Tout d’abord Sully, un vieil excentrique (campé par un irrésistible Mark Rylance), puis le beau Lee (Timothée Chalamet), jeune marginal dont elle tombe rapidement amoureuse…

Inclassable, Bones and All part d'une prémisse de film d'horreur et ne renonce pas au gore — loin de là. Pourtant, il ne se résume pourtant jamais à un classique film de cannibalisme, façon Grave de Julia Ducournau. Avec une grande élégance, Guadagnino utilise ici le genre pour relire le film d'apprentissage, abordant les grandes questions de l'adolescence, comme le sentiment de différence, la découverte de la sexualité, mais aussi le besoin de rompre avec sa famille, pour mener sa propre existence et de trouver les personnes qui nous comprennent réellement.

Road-movie sanglant

Magnifiquement mis en scène, porté par une chouette bande-son Eighties (Kiss, New Order…), Bones and All est construit comme un road-movie classique, retraçant l’errance de deux rebelles à travers l’Amérique profonde. Le film est ainsi chapitré par les diminutifs des États que traverse l’héroïne, de la Virginie au Minnesota, en passant par le Nebraska ou le Kentucky. Filmant avec bonheur les paysages et les petites villes de l'Americana, Luca Guadagnino convoque l’écho de tout un pan du cinéma indépendant américain des années 1970 et 1980 pour réussir à rendre acceptable aux yeux du spectateur ce qui relève pourtant du tabou ultime: des êtres humains se nourrissant de la chair de leurs semblables.

Porté par deux acteurs pleins de charme et aux visages innocents, Taylor Russel (jeune actrice canadienne vue notamment dans la série Netflix Perdus dans l’espace) et Tiimothée Chalamet (qui démontre une nouvelle fois ici qu'il n'a pas peur de faire des choix audacieux), Bones and All n’en est que plus délicieusement pervers. Mais toujours profondément romantique, jusque dans l’ultime scène du film, d'une sanglante beauté.

Un romantisme que l’on retrouvera prochainement dans la suite de Call Me by Your Name, toujours par Luca Guadagnino et avec Timothée Chalamet, mais sans Armie Hammer, dont la carrière a été stoppée nette, notamment à cause d’accusations de… cannibalisme.

Bones and All Drame De Luca Guadagnino Scénario David Kajganich (d'après le roman de Camille DeAngelis) Photographie Arseni Khachaturan Musique Trent Reznor et Atticus Ross Montage Marco Costa Avec Taylor Russell, Timothée Chalamet, Mark Rylance, Chloë Sevigny… Durée 2h10