A Venise, Emanuele Crialese fait son coming out trans avec "L’immensità"

Ce dimanche soir en Compétition, le cinéaste italien a touché la 79e Mostra de Venise avec une délicate chronique inspirée de son enfance de garçon dans un corps de fille.

Hubert Heyrendt, à Venise
A Venise, Emanuele Crialese fait son coming out trans avec "L’immensità"
©Mostra

Le genre est l'une des thématiques centrales de cette 79e Mostra del Cinéma, que ce soit en Compétition ou dans les sections annexes — on pense par exemple à Trois nuits par semaine, premier long métrage du Français Florent Gouëlou à la Semaine de la critique ou Casa Susanna, le nouveau documentaire de Sébastien Lifshitz (Petite fille) aux Giornate degli Autori. Après Monica d'Andrea Pallaoro samedi, c'était au tour d'un autre cinéaste italien, Emanuele Crialese, de faire son entrée en Compétition ce dimanche soir avec L'immensità. Et comme Pallaoro, Crialese aborde la question de la transidentité, avec un film très personnel inspiré de son enfance.

Rome, années 1970. Adriana (Luana Giuliani), 12 ans, ne se sent pas bien dans son corps de fille. Se vivant comme une extraterrestre venue d’une lointaine galaxie, elle a les cheveux courts, s’habille en garçon et préfère qu’on l’appelle Andrea (André). Cela inquiète son père (Vincenzo Amato), parfait représentant du macho italien, mais pas sa mère Clara (Penélope Cruz), qui laisse sa fille vivre dans son monde imaginaire. Immigrée espagnole, celle-ci adore ses enfants, avec qui elle joue, danse, chante… Mais, supportant de plus en plus mal les infidélités de son mari, elle est profondément malheureuse.

« Adri » adore jouer dans le terrain vague situé aux pieds de son immeuble. De là, en traversant un champ de bambous qui le sépare de son univers quotidien, il rejoint Clara, une jolie brune aux yeux noirs qui vit avec ses parents dans des baraquements d’ouvriers. Là, Adriana peut pleinement être qui elle est vraiment: Andrea…

A Venise, Emanuele Crialese fait son coming out trans avec "L’immensità"
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Film autobiographique

Révélé par le très beau Respiro avec Valeria Golino en 2002, Lion d'argent de la révélation quatre ans plus tard à Venise pour Golden Door, Emanuele Crialese avait décroché en 2011 le grand prix du jury de la Mostra pour Terraferma, drame onirique sur la crise des migrants en Méditerranée. Depuis, plus rien (sinon un épisode pour une série télé américaine, Trust). Ces onze années, c'est sans doute le temps qu'il a fallu au cinéaste italien pour accoucher de ce film autobiographique. Avant son arrivée sur le Lido, Crialese a en effet confié que L'immensità racontait sa propre histoire, révélant au passage qu'il était un homme transgenre.

Avec une infinie délicatesse, le cinéaste se replonge dans ses souvenirs d'enfance dans la Rome des années 1970 pour mettre en scène un beau parcours vers l'affirmation de soi, contre les convenances de la société italienne de l'époque, représentée par ce père austère et volage incarné par Vincenzo Amato (que Crialese filmait déjà dans son premier film Once We Were Strangers en 1997). A l'opposé complet de cette mère lumineuse mais triste, campée par une Penélope Cruz une fois de plus impeccable, un an après avoir décroché le prix d'interprétation, ici à Venise, pour Madres paralelas de Pedro Almodóvar.

Porté par le souffle onirique du monde que s'invente son personnage — notamment à travers les émissions de variétés ou le concours de San Remo qu'il regarde à la télévision et qu'il se recrée dans dans sa tête —, L'immensità est un très joli film sur la quête de soi, mais aussi sur la dépression et le poids du patriarcat.

A Venise, Emanuele Crialese fait son coming out trans avec "L’immensità"
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L'immensità Drame Scénario et réalisation Emanuele Crialese Photographie Gergely Pohárnok Musique Rauelsson Montage Clelio Benevento Avec Penélope Cruz, Luana Giuliani, Vincenzo Amato… Durée 1h40

A Venise, Emanuele Crialese fait son coming out trans avec "L’immensità"
©Cote LLB
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