"The Banshees of Inisherin" : parfum d’absurde sur le Lido
Lundi en Compétition à Venise, Martin McDonagh reformait le duo de "Bons baisers de Bruges", Colin Farrell et Brendan Gleeson, pour une comédie absurde irlandaise pleine de charme.
Publié le 05-09-2022 à 19h12 - Mis à jour le 05-09-2022 à 20h52
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Prix du scénario à Venise en 2017 pour Three Billboards — qui permettra ensuite à Frances McDormand d'empocher son deuxième oscar de la meilleure actrice —, Martin McDonagh a de nouveau fait rire la 79e Mostra del cinema avec The Banshees of Inisherin, dévoilé lundi après-midi en Compétition. Une irrésistible comédie absurde tirée de l'une de ses pièces de théâtre.
Quatorze ans après son premier film, McDonagh réforme le tandem de Bons baisers de Bruges, Colin Farrell et Brendan Gleeson pour explorer la question de l'amitié et de la tradition dans une petite irlandaise en 1923.
Paysan naïf, Pádraic (Farrell) vit avec sa sœur Siobhán (Kerry Condon) dans une petite chaumière. Alors qu'au loin, les premiers signes de la guerre civile se font sentir, le bonhomme ne songe qu'à son rendez-vous quotidien de 14h avec son meilleur ami Colm (Gleeson) pour aller au pub écluser quelques pintes et papoter de tout et de rien. Mais aujourd'hui, Colm ne sort pas de chez lui. Au pub, tout le monde s'inquiète: « Vous vous êtes disputés? » Pádraic n'en est pas certain… Ou alors il était saoul? Il ne se souvient pas…
Mais non, il n’a rien dit à son ami. C’est juste que celui-ci ne l’aime plus… Il le trouve ennuyeux. Alors qu’il se sent vieillir, Colm n’a plus de temps à perdre a écouter les discussions sans intérêt de Pádraic sur son âne nain et autres broutilles. Une vraie dispute enfantine qui va prendre des proportions inattendues!

Bêtes et gentils
Dramaturge britannique, Martin McDonagh s'est largement inspiré de ses origines irlandaises (et de la langue irlandaise) dans son théâtre, notamment dans sa Trilogie des Îles d'Aran. The Banshees of Inisherin est une adaptation du troisième volet de celle-ci en 2003. Si les origines scéniques sont évidentes, le film repose essentiellement sur une série de dialogues aussi brillants que décalés entre les personnages, la mise en scène profite des magnifiques paysages irlandais pour donner un peu de souffle à cet improbable conflit de voisinage…
Parfait en simple d’esprit revendiquant la gentillesse comme seul horizon à toute relation, Colin Farrell est étonnant de douceur, face au rock Brendan Gleeson, dans la peau d’un vieil homme borné pris d’un soudain besoin de grandeur.
Entre les deux acteurs irlandais, la confrontation est une fois encore fructueuse et transforme The Banshees of Inisherin en une fable à la foi drôle, profonde et touchante. Car si McDonagh moque ici la petitesse d'esprit et le manque de curiosité des habitants d'une petite île, hostiles à toute forme de changement, comme dans Three Billboards, le cinéaste de 52 ans pose un regard bienveillant sur ses personnages, aussi demeurés soient-ils.
The Banshees of Inisherin frappe en effet par sa tendresse pour ces pauvres bougres prisonniers par la tradition et qui s'enferment d'une guerre sans origine et sans fin, née de leur esprit borné… Teintée d'un humour absurde à la Beckett, la fable est belle, en écho aux bombardements que l'on entend au large de la petite île d'Inisherin, comme à nos portes aujourd'hui…

The Banshees of Inisherin Comédie dramatique Scénario et réalisation Martin McDonagh Photographie Ben Davis Musique Carter Burwell Montage Mikkel E.G. Nielsen Avec Colin Farrell, Brendan Gleeson, Kerry Condon, Barry Keoghan… Durée 1h49
