"Blonde" à Venise: Norma Jean, prisonnière de Marilyn
Dévoilé jeudi soir avant sa mise en ligne sur Netflix le 28 septembre, le biopic de Marilyn Monroe signé Andrew Dominik était sans doute le film le plus attendu de la Compétition du 79e Mostra de Venise. Il révèle la brillante Ana de Armas.
- Publié le 08-09-2022 à 19h05
- Mis à jour le 26-09-2022 à 13h02
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Jeudi soir, le logo Netflix est apparu pour la quatrième et dernière fois sur grand écran en Compétition de la 79e Mostra del Cinema, en introduction de l'un des films les plus attendus de la quinzaine: Blonde d'Andrew Dominik. Depuis sa première bande-annonce, qui dévoilait une Ana de Armas mimétique en Marylin Monroe, la curiosité était en effet énorme autour de cette biographie de près de trois heures de l'icône hollywoodienne, à découvrir sur la plateforme de streaming dès le 28 septembre.
Pour son quatrième film de fiction depuis 2000 — dont le formidable western L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford en 2007 —, le réalisateur néo-zélandais adapte le roman Blonde de Joan Carol Oates, biographie fictionnalisée de Marilyn publiée en 2000. Comme dans la mini-série déjà tirée du livre en 2001, Dominik laisse de côté la théorie de Oates selon laquelle la star aurait été assassinée. Ce qui l'intéresse avant tout, c'est la personnalité de l'actrice, de ce sex symbol autant adulé que méprisé. Une femme qui, en manque d'amour et de reconnaissance, aura été malheureuse sa vie durant.
Un corps en pâture
Classiquement, Andrew Dominik met en scène dans Blonde une figure schizophrénique, entre, d'un côté, Norma Jean Baker, la femme fragile à l'enfance difficile, et, de l'autre, Marilyn Monroe, objet de tous les fantasmes masculins, y compris présidentiels — avec une scène magistrale et d'une infinie tristesse où JFK reçoit l'actrice dans une chambre d'hôtel new-yorkaise…
Produit par Brad Pitt via sa société Plan B, Blonde est un film visuellement époustouflant et porté par une magnifique bande originale composée par Nick Cave et Warren Ellis — auxquels Andrew Dominik consacrait en 2021 le documentaire This Much I Know To Be True. Passant de la couleur au noir et blanc, variant sans cesse les formats d'écran et les textures d'image, le cinéaste nous plonge dans un univers de fantasmes, dans cet Hollywood cruel auquel la pauvre Norma Jean a fini par se brûler les ailes.
Pauvre Norma Jean. C’est bien le sentiment que l’on a à la sortie du film vis-à-vis de Marilyn, une femme réduite à son image, à son corps, exploité par les producteurs, les réalisateurs, les photographes, les communicants des studios, les médecins…
On peut voir là une lecture féministe de la part du cinéaste néo-zélandais, qui fait transforme Marilyn en un objet tragique, une poupée platine manipulée par tous, à qui tout est imposé, jusqu'à un avortement pour qu'elle puisse tourner Les Hommes préfèrent les blondes. On peut aussi se dire que Dominik se contente de porter sur son héroïne la vision classique que l'on a de Marilyn, toujours réduite ici à la femme-enfant minaudant, toujours à la recherche de l'amour de ce père qu'elle n'a jamais connu — on la voit ainsi appeler ses deux maris "papa": le joueur de base-ball Joe DiMaggio (Bobby Cannavale) et le dramaturge Arthur Miller (Adrien Brody). Norma Jean est sans cesse prisonnière de Marilyn. De quoi en faire une figure profondément tragique, celle de l'innocence bafouée, de la femme maudite par sa beauté… Mais qui laisse de côté l'autre Marilyn, la comédienne travaillant avec Lee Strasberg ou la femme cherchant, à travers la psychanalyse, à se comprendre intimement…
Ana de Armas, bluffante
Un temps promis à Naomi Watts, puis à Jessica Chastain, le rôle de Blonde est finalement revenu à Ana de Armas, vue dans Blade Runner 2049 de Denis Villeneuve, Cuban Network d'Olivier Assayas ou en James Bond girl dans Mourir peut attendre. Au sortir des 2h45 de film, la jeune actrice hispono-cubaine laisse une impression indélébile. Se glissant de façon mimétique dans le corps mythique de Marilyn, à la fois sidérant de beauté et tragique, se donnant corps et âme au rôle, Ana de Armas a fait forte impression est s'est clairement classée en pole position pour le prix d'interprétation féminine…
Blonde Biopic Scénario et réalisation Andrew Dominik (d'après le roman de Joyce Carol Oates) Photographie Chayse Irvin Musique Nick Cave et Warren Ellis Montage Adam Robinson Avec Ana de Armas, Adrien Brody, Bobby Cannavale, Xavier Samuel, Julianne Nicholson… Durée 2h46
