"Chiara": Sainte Claire, dansez pour nous
Ce vendredi, en ce dernier jour de compétition à la 79e Mostra de Venise, l'Italienne Susanna Nicchiarelli a épaté avec sa vision féministe et engagée de sainte Claire d’Assises. Dont elle tire une figure profondément contemporaine.
- Publié le 09-09-2022 à 19h37
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Dernière entrée italienne en compétition du 79e Festival de Venise ce vendredi, Chiara est un des films les plus singuliers de la quinzaine. Susanna Nicchiarelli livre en effet un biopic inattendu et radical, celui d'une héroïne du XIIIe siècle, sainte Claire d'Assise, à la résonance incroyablement contemporaine!
Après Nico, 1988, sur la chanteuse du Velvet Underground en 2017, et Miss Marx, sur la fille du grand Karl en 2020, la cinéaste italienne clôture une trilogie consacrée à de grandes figures féminines historiques avec un portrait de Chiara Offreduccio di Favarone (1194-1253). On la découvre en 1211. Âgée de 18 ans, la jeune fille (délicate Margherita Mazzucco, que l'on avait découverte dans la série L'Amie prodigieuse, d'après le best-seller d'Elena Ferrante) a fui sa riche famille d'Assise pour rejoindre Francesco (Andrea Carpenzano). De 10 ans son aîné, celui-ci vient de fonder une nouvelle communauté de jeunes gens ayant décidé de vivre le message du Christ à la lettre, en vivant dans la plus grand pauvreté et en se mettant au service des démunis. À côté de la communauté des franciscains, Claire est à la tête de l'ordre des Pauvres Dames qui, elles aussi, ont choisi de vivre dans le plus grand dénuement. De quoi perturber le cardinal Ugolini (Luigi Lo Cascio), le futur pape Grégoire IX, qui ne sait pas très bien quoi faire de ces Clarisses…

Une vie de sainte
Avec Chiara, Susanna Nicchiarelli a offert à la Mostra une véritable vie de sainte, avec toute la "légende" qui l'entoure: guérisons miraculeuses, apparition d'huile d'olive dans un pot vide, multiplication du pain… Ces miracles, la cinéaste, non croyante, les filme sans ambiguïté aucune. Pourtant, malgré ce contexte légendaire, les costumes et la reconstitution historique, Claire apparaît sous la caméra de Nicchiarelli comme une héroïne d'aujourd'hui.
Le regard posé sur la sainte par Nicchiarelli est en effet celui d’une cinéaste engagée. Claire se bat non seulement aux côtés des pauvres, contre les injustices sociales de son temps, mais aussi pour tenter d’obtenir du pape les mêmes droits que ses frères, notamment ceux de voyager et de prêcher, alors que les femmes dans les ordres étaient alors condamnées par l’Église à vivre recluses. Et, contrairement à François, la future sainte refuse tout compromis avec les autorités religieuses.
Cette vision féministe passe par la mise en scène d'une véritable sororité, que la cinéaste filme de façon très sobre, assez austère, dans les moments de la vie quotidienne des Clarisses. Mais Nicchiarelli entrecoupe son film de scènes chantées et dansées quasi pop, façon Hair ou Jésus-Christ Superstar. Mais jamais elle ne joue jamais la carte de l'anachronisme, car toutes les chants religieux, en italien ancien, datent de l'époque de Claire. La réalisatrice a en effet travaillé avec les Anonima Frottolisti, unensemble spécialisé dans la musique ancienne pour créer ces scènes de danse d'un autre âge, profondément touchantes par leur naïveté et incroyablement évocatrices.
De nouveau coproduit avec la Belgique, Chiara est un film éblouissant de liberté, qui parvient à rendre profondément actuelle une figure quasi millénaire. Dont on espère qu'il aura parlé au coeur du jury de Julianne Moore...

Chiara Biographie féministe Réalisation Susanna Nicchiarelli Scénario Susanna Nicchiarelli et Chiara Frugoni Photographie Crystel Fournier Musique Anonima Frottolisti Montage Stefano Cravero Avec Margherita Mazzucco, Andrea Carpenzano, Carlotta Natoli, Paola Tiziana Cruciani… Durée 1h46
