"Rebel" : le djihad en musique selon les réalisateurs flamands Adil et Bilall
Les jeunes Flamands signent une évocation musicale et assez amorale de la radicalisation.
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Publié le 05-10-2022 à 09h46 - Mis à jour le 05-10-2022 à 10h15
Un choc. Il n'y a pas d'autre mot pour décrire Rebel, le nouveau film du duo Adil et Bilall. Après leurs désastreuses aventures américaines dans Bad Boys For Life avec Will Smith, et avant de voir leur Batgirl annulé par la Warner alors que le film était quasiment terminé, les jeunes cinéastes stars flamands revenaient en Belgique pour évoquer un sujet délicat, celui des jeunes Belges partis faire le djihad en Syrie.
Poursuivi par la police pour une affaire de drogue, Kamal décide en 2014 de quitter Molenbeek pour participer à des opérations humanitaires en Syrie. Mais il est rapidement enrôlé par l’État islamique, qui l’envoie à Raqqa, où il devient cameraman pour les vidéos de propagande de Daech et où on le marie à une jeune esclave syrienne. Quand les médias occidentaux montrent une vidéo où on voit le jeune Bruxellois exécuter un soldat de l’armée de Bachar el-Assad, la vie de sa mère Leïla bascule définitivement dans le cauchemar. D’autant que son autre fils, Nassim, 12 ans, devient la cible facile d’un recruteur, qui lui met en tête l’idée de rejoindre Kamal en Syrie…

De vrais personnages
Découverts en 2015 avec Black (déjà un film choc), Adil El Arbi et Bilall Fallah ont toujours abordé, dans leurs films belges, la question de l'intégration des jeunes d'origine maghrébine, qui était au cœur de Image ou Patser . Et chaque fois, ils surprenaient par leur approche plus belge que belge, en réactivant sans cesse les clichés sur leur communauté d'origine.
Présenté comme leur film le plus personnel, Rebel échappe en partie à ce travers, en présentant les personnages dans toute leur complexité, avec de vraies motivations, fussent-elles en l'occurrence totalement délirantes. Jeune rappeur de Molenbeek et truand à la petite semaine, leur antihéros Kamal (campé par l'excellent Aboubakr Bensaihi, révélé dans Black) existe à l'écran. Et l'on vit avec lui le glissement, malgré lui, vers l'enfer. Ce qui bouleverse l'existence de ce gamin (Amir El Arbi, le frère d'Adil) qui idolâtre son grand frère et de cette mère désespérée à l'idée de perdre un second fils (Lubna Azabal).

Tragédie musicale
Comme toujours, Adil et Bilall optent pour une mise en scène efficace et a priori moins tapageuse qu'à l'accoutumée, pour décrire en parallèle la vie à Bruxelles et l'enfer syrien, entre combats, bombardements, tortures physique et mentale. Mais le duo ose l'inattendu, en proposant une série de scènes de "comédie" musicale, au rythme de raps et de chansons arabes (parfois un peu trop dans l'illustration de l'histoire), qui infusent leur film. Des scènes très impressionnantes, chorégraphiées par le grand danseur anversois Sidi Larbi Cherkaoui, censées apporter un contrepoint onirique à la violence radicale que décrit Rebel.
Car Adil et Bilall ne cachent rien ou presque, jusqu’à l’horreur pure et simple. Et ce jusque dans un final extrêmement dérangeant, totalement amoral, car elle ôte toute humanité aux personnages. Une scène radicale, insupportable, sur l’innocence perdue, mais totalement gratuite, se résumant à un artifice de cinéma provocateur conçu pour choquer, sans permettre de réfléchir.

Rebel-Tragédie musicale- De Adil et Bilall - Scénario : Adil El Arbi, Bilall Fallah, Jan Van Dyck et Kevin Meul - Avec Lubna Azabal, Amir El Arbi, Aboubakr Bensaihi, Nadeem Rimawi,… Durée 2h15.
