"Le Petit Nicolas": la meilleure adaptation du héros créé par Sempé-Goscinny
La nouvelle adaptation du classique de la littérature jeunesse est un hommage à ses créateurs, René Goscinny et Jean-Jacques Sempé.
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Publié le 12-10-2022 à 09h09 - Mis à jour le 12-10-2022 à 09h10
Le regretté auteur de bandes dessinées Hugo Pratt disait que son héros Corto Maltese lui contait ses aventures. "Toi aussi, tu lui parles ?" demande René (Goscinny) à Jean-Jacques (Sempé) dans Le Petit Nicolas.
Belle idée de scénario que d’inclure les créateurs dans cette adaptation, la meilleure et la plus délicieuse à ce jour, des nouvelles du petit garçon, écrites par le premier et illustrées par le second (1956-1965). La disparition, le 11 août dernier, de Jean-Jacques Sempé, 45 ans après celle, prématurée, de son ami scénariste, confère à ce dessin animé une charge émotionnelle supplémentaire.
Qu'est-ce qu'on attend pour être heureux ? est son sous-titre, qui la distingue opportunément du film de Laurent Tirard (2009) et de la série animée. René et Jean-Jacques, donc, n'ont pas attendu d'être heureux. Ou, plutôt, si, un peu, mais ils se sont rattrapés, notamment grâce à Nicolas. "Grâce à toi, je vis l'enfance rêvée que je n'ai jamais eue" confie Sempé à Nicolas.
Revanche sur deux enfances volées
La chronique d'enfance qu'est Le Petit Nicolas est une revanche sur deux enfances volées - par la guerre et la Shoah pour René, par l'alcoolisme et la maltraitance pour Jean-Jacques. Les deux créateurs n'en étaient que plus poètes et drôles.
Anne, la fille de Goscinny, leur rend hommage. La frangine de Nicolas a coécrit le film avec Benjamin Massoubre qui coréalise avec Amandine Fredon.
Le pari était audacieux. Comment unifier huit des quelque 220 nouvelles du gamin au pull rouge et l’animer tout en préservant le style visuel ? D’abord en contant sa création par la voix de René et Jean-Jacques puis leur relation avec Nicolas. Ensuite en collant au graphisme de Sempé et à l’esprit de Goscinny.
Les dessins conservent la texture de l’encre de chine sur le papier à dessin. Le cadre, large, fourmille de détails, comme dans les illustrations de Sempé, dont les fonds blancs sont préservés.
Pour les couleurs - inexistantes en dehors du gilet rouge de Nicolas - les auteurs puisent dans les illustrations de Sempé pour le New Yorker. Le parcours de jeunesse de Goscinny permet d'intégrer les vues de New York du génial illustrateur. Le jazz qu'affectionnaient les deux auteurs n'est pas oublié.
Les auteurs du film ont respecté l'intégrité jusqu'à s'abstenir de toute mise à jour du matériau d'origine. La France représentée est uniformément blanche et classe moyenne, très masculine et tradi (papa au boulot, maman aux fourneaux). Et "c'est nul les filles" (quoique…). Mais c'est l'univers du Petit Nicolas, dans le texte, dont les facéties ont été traduites dans une quarantaine de langues.
Le cœur universel du récit, c’est l’amitié. Le destin a donné raison à Nicolas, qui, dans un émouvant dialogue avec Jean-Jacques, prédit que ses deux pères resteront éternels à travers lui.
Animation De Amandine Fredon et Benjamin Massoubre Scénario Anne Goscinny, Michel Fessler et Benjamin Massoubre, d'après l'œuvre de René Goscinny et Jean-Jacques Sempé Avec les voix de Alain Chabat, Laurent Lafitte, Simon Faliu,… Durée 1h22.
