"Argentina, 1985": Au nom de la démocratie argentine
Présenté en Compétition à Venise, "Argentina, 1985" débarque sur Prime ce vendredi. Santiago Mitre signe un thriller judiciaire passionnant. Avec un grand Ricardo Darín, dans le rôle du procureur chargé de faire condamner le général Videla.
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- Publié le 18-10-2022 à 13h43
- Mis à jour le 20-10-2022 à 08h25
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En septembre dernier, Santiago Mitre avait les honneurs de la compétition de la 79e Mostra de Venise pour son cinquième long métrage, Argentina, 1985 . Diffusé dès ce vendredi sur Prime Video, ce thriller efficace retrace les efforts acharnés du procureur Julio César Strassera pour faire condamner le général Videla en 1985.
Au lendemain de la projection officielle à Venise, le cinéaste argentin et ses acteurs continuaient de célébrer cette grande avant-première, arrivant avec près d'une heure de retard à leurs interviews, après avoir bien profité du déjeuner… S'excusant de son retard, le cinéaste attaquait d'emblée sur l'importance historique de ce film. "L'Argentine a beaucoup appris sur la période de la dictature, mais pas tant sur la démocratie et sur la période de transition. C e procès est unique ; nous en sommes très fiers. Mais peu de gens s'en souviennent réellement. J'ai énormément appris durant les recherches pour le film. Je savais évidemment que l'Argentine avait, pour la première fois dans cette région du monde, fait condamner une dictature par une cour civile. Et ce alors que, partout autour, les pays voisins étaient toujours sous des régimes dictatoriaux. Mais je ne savais pas exactement comment ça s'était passé, avec cette équipe de jeunes avocats sans expérience. Dans le système judiciaire, personne ne croyait que ce procès aboutirait. C'est l'une des choses qui m'ont poussé à me dire qu'il y avait peut-être un film à faire sur ce sujet. Les gens plus âgés ont vécu la dictature, ils se souviennent du procès, mais il y a beaucoup de gens qui n'étaient pas nés en 1985… Porter cette histoire au grand écran permettra aux spectateurs de comprendre ce qui a été fait à l'époque, mais aussi de se souvenir qu'il faut se battre tous les jours pour la démocratie."
Lors de ce procès historique, les témoins se sont succédé pour dénoncer l'atrocité des crimes de la junte militaire du général Jorge Rafael Videla. Parmi ceux-ci, Mitre utilise notamment, quasi mot à mot, celui d'Adriana Calvo, jeune femme qui a accouché devant ses geôliers, indifférents à son sort… "Certains moments du procès sont restés dans la mémoire collective de mon pays, commente le réalisateur. Il y a évidemment la plaidoirie finale de Strassera, mais aussi le témoignage d'Adriana. La première semaine du procès était consacrée aux politiciens, à des organismes internationaux comme l'Onu… Adriana a été la première survivante à témoigner et elle a vraiment retourné le procès. Tous les gens qui ont assisté au procès à qui j'ai parlé se souviennent de ce jour-là. Je savais que son témoignage serait dans le film. Je l'ai donc revue. Adriana était si juste, si droite face aux juges pour raconter son calvaire ! J'ai bien sûr dû couper dans son témoignage, car elle a parlé trois heures, mais c'est vraiment très fort, surtout vers la fin. Ce témoignage et l'argumentaire de Strassera existent en dehors du film. Je voulais les intégrer de la façon la plus longue possible dans un film."
"Loco Strassera", un vrai personnage
Né à Buenos Aires en 1980, Santiago Mitre n'avait que 5 ans au moment des faits historiques qu'il retrace. Il se sentait pourtant personnellement lié à cette histoire… "Ma mère a travaillé toute sa vie dans le système judiciaire. Elle était jeune à l'époque, mais elle a connu Strassera. Elle m'a raconté beaucoup d'histoires à son sujet, à propos de la folie du personnage, qu'on surnommait 'Loco'. C'est la première petite graine. Je savais que ça pourrait être un bon personnage…"
Par le côté impulsif et drôle du personnage et grâce à l'interprétation du génial Ricardo Darín (cf. ci-contre), Argentina, 1985 est un vrai divertissement, qui revient, de façon captivante, sur ce procès hors norme. "J'ai compris hier seulement que le film était très drôle… Je ne m'attendais à ce que les gens rient autant, avoue Santiago Mitre. Avec Ricardo (Darín), on savait que, grâce à ce 'Loco Strassera', il y aurait de l'humour, mais, pour nous, c'était surtout une façon de construire l'humanité des personnages, leurs relations. Je ne voulais pas que le film soit trop sombre. Je suppose que c'est aussi pour ça qu'on raconte des blagues à des enterrements…"
Reconstituant avec minutie le Buenos Aires du milieu des années 1980, Argentina, 1985 nous plonge dans une atmosphère souvent étouffante, que ce soit dans le bureau de Strassera ou dans la salle d'audience. "C'est un film de tribunal…, justifie le réalisateur. Et puis les personnages ont une mission quasiment impossible. Ils sont plongés au cœur d'une enquête réellement claustrophobique. C'était donc intéressant de les montrer enfermés dans leurs bureaux ou dans le tribunal. Mais, si je dois être honnête, c'est aussi, plus prosaïquement, parce que c'est moins cher de tourner en intérieur qu'en extérieur quand on fait un film d'époque…"
Mis en ligne sur la plate-forme Prime Video d'Amazon ce vendredi 21 octobre, Argentina, 1985 revient, de façon passionnante et divertissante, sur le procès qui, en 1985, fit condamner la dictature du général Videla, au pouvoir en Argentine de 1976 à 1983. À la manière d'un thriller judiciaire américain, le film de Santiago Mitre (découvert avec Le Sommet en 2017) raconte comment le procureur Julio Strassera (campé par un formidable Ricardo Darín) a réuni une équipe de jeunes avocats (non liés à la dictature) pour recueillir des dizaines de témoignages de victimes de la junte militaire et faire ainsi condamner Videla et ses proches au nom de la jeune démocratie argentine.