La petite musique de Kore-eda séduit à nouveau à Cannes
Premier prétendant à la Palme d’or du 76e Festival de Cannes ce mercredi soir, le Japonais Hirokazu Kore-eda a de nouveau cueilli la Croisette avec “Monster”, un mélodrame à la mécanique imparable sur le monde de l’enfance.
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Publié le 17-05-2023 à 20h44 - Mis à jour le 17-05-2023 à 21h05
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Mercredi soir, Hirokazu Kore-eda était le premier cinéaste à faire son entrée en Compétition du 76e Festival de Cannes avec Monster, son seizième long métrage depuis 1995. Un an seulement après avoir permis au Coréen Song Kang-ho de décrocher le prix d’interprétation masculine pour le très beau Les Bonnes étoiles, le cinéaste japonais était déjà de retour sur la Croisette avec un nouveau mélodrame sur un thème qui lui est cher : l’enfance.
Après son échappée en Corée, Kore-eda est de retour au Japon pour nous raconter l’histoire de Minato (Soya Kurokawa), qui, depuis la mort de son père, vit seul avec sa mère Saori (Sakura Ando), blanchisseuse, dans un petit appartement. Il a beau être un petit garçon plein de vie, son comportement se fait de plus en plus étrange. Il demande ainsi à sa mère si on ne lui a pas greffé un cerveau de porc. Il perd une basket. Revient avec des blessures. Bientôt, sa mère commence à réellement s’inquiéter, surtout lorsque son fils accuse M. Hiro (Eita Nagayama), son instituteur…

Une question de point de vue
Monster s’ouvre sur une scène d’incendie. Quelqu’un a mis le feu à un bar à hôtesses au sommet d’un immeuble. Depuis leur balcon, Minato et sa mère regardent la danse des flammes et le ballet des pompiers comme un spectacle. Mais que regardent-ils vraiment ?
La question du regard est centrale dans Monster. Si l’on retrouve ici le thème de l’enfance, central dans l’œuvre du réalisateur d’Une affaire de famille (Palme d’or en 2018) et de Nobody Knows, Kore-eda laisse aussi éclater ici son goût pour la forme, qu’il explorait déjà dans The Third Murder en 2017. Où il explorait, via le polar, la question du point de vue sur un récit et de la vérité, toujours complexe.
Il ne fait rien d’autre ici, en nous racontant l’histoire de Minato de trois points de vue successifs différents. Avec, à chaque fois, une couche supplémentaire qui vient changer radicalement la perception du spectateur, tout en abordant un thème différent. Car si le film s’ouvre comme une critique virulente contre le système scolaire japonais et d’une société nipponne corsetée dans l’hypocrisie et l’incapacité d’exprimer ses sentiments, le film prend ensuite d’autres chemins…

Un scénario retors
Impossible, sans dévoiler les multiples rebondissements que nous réserve Monster, d’entrer dans le détail. Mais, au gré de ces deux heures, Kore-eda parvient toujours à nous surprendre, à déjouer nos attentes, tout en nous faisant passer par des tonalités très différentes.
On passe ainsi d’une comédie grinçante – porté par le jeu décalé de l’excellente Sakura Ando, qui jouait déjà le rôle d’une blanchisseuse dans Une affaire de famille -, on passe ensuite au thriller, puis au mélodrame. Un mélodrame sur l’enfance où Kore-eda aborde un sujet neuf dans son cinéma et avec lequel, après nous avoir désarçonnés dans un premier temps, il parvient à nous cueillir complètement, dans un final où toutes les pièces du puzzle patiemment disséminées dans le film finissent par s’assembler dans une émotion intense. Soulignée par les notes du grand compositeur Ryuichi Sakamoto, avec lequel le cinéaste travaille pour la première fois.

Monster/Kaibutsu Mélodrame Scénario et montage Hirokazu Kore-eda Scénario Yûji Sakamoto Photographie Ryûto Kondô Musique Ryuichi Sakamoto Avec Sakura Ando, Eita Nagayama, Soya Kurokawa… Durée 2h06
