Notre critique d'"Anatomie d’une chute" (Palme d’or) ou l’autopsie d’un couple
Justine Triet est la troisième femme à avoir obtenu la Palme d’or à Cannes, avec “Anatomie d’une chute”. Un film intense qui, sur 2h30, ausculte la personnalité d’une romancière à succès, campée par l’Allemande Sandra Hüller, accusée du meurtre de son mari. Brillant !
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- Publié le 29-08-2023 à 14h29
- Mis à jour le 30-08-2023 à 23h54
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Le 27 mai dernier, Justine Triet décrochait la Palme d’or du 76e Festival de Cannes avec Anatomie d’une chute. En dix ans, la Française aura gravi toutes les marches sur la Croisette, depuis son premier film La Bataille de Solférino, présenté dans la section parallèle ACID en 2013, suivi de Victoria, avec Virginie Efira, qui avait fait l’ouverture de la Quinzaine des Cinéastes en 2016. Avant une première entrée en Compétition en 2019 avec Sybil, toujours avec Efira. Dans son quatrième long métrage, Justine Triet s’attache à nouveau à livrer le portrait d’une femme dans toute sa complexité et ses failles.
Romancière allemande à succès, Sandra Voyter (Sandra Hüller) vit dans un chalet alpin, près de Grenoble, que son mari Daniel (Samuel Theis) retape depuis un an et demi.
Depuis un accident survenu alors qu’il avait quatre ans, leur fils Samuel (Milo Machado Graner) est malvoyant. Au retour d’une promenade avec son chien-guide, l’enfant tombe sur le corps ensanglanté de son père. Celui-ci est visiblement tombé du grenier, où il travaillait à l’isolation du toit. Mais le médecin légiste ne peut exclure l’intervention d’un tiers dans ce décès. Très vite, l’enquête pointe vers Sandra. D’autant qu’un enregistrement datant de la veille de la mort vient alourdir les présomptions à son encontre. Pour la défendre, la romancière fait appel à Vincent (Swann Arlaud), un vieil ami avocat…

Suicide ou homicide ?
Avec Anatomie d’une chute, Justine Trier signe un thriller psychologique intense qui, sur 2h30, va s’atteler à disséquer l’intimité d’un couple, pour tenter de trancher entre la thèse du suicide ou de l’homicide. Avec, au milieu, ce jeune garçon, témoin-clé de l’affaire, qui voit la vie de ses parents étalée sur la place publique.
S’ouvrant juste avant la mort de la victime, retraçant l’enquête, puis le procès, le film joue sur nos attentes de spectateurs habitués aux récits policiers et judiciaires. Mais si la question de la vérité est évidemment au centre de l’intrigue d’Anatomie d’une chute, ce n’est pas tant la vérité judiciaire qui intéresse la cinéaste que celle d’un couple, marqué par une tragédie et par le ressentiment d’un homme qui aurait souhaité écrire, sans y parvenir, et qui, relégué aux tâches domestiques, reste dans l’ombre du succès de sa femme…
Dans le rôle de cette femme froide, assumant ses écarts avec la morale classique, Sandra Hüller est de nouveau impeccable. Révélée dans Toni Erdmann de Maren Ade en 2016, l’actrice allemande – que l’on reverra prochainement dans The Zone of Interest de Jonathan Glazer, grand prix de ce même festival de Cannes 2023 – est de nouveau épatante. Elle excelle dans ce rôle de coupable idéale, de cette romancière se servant de sa vie et de celle de son entourage pour construire son œuvre. De là à tuer son mari pour écrire son prochain livre ?

Anatomie d’une chute Thriller intime De Justine Triet Scénario Justine Triet et Arthur Harari Photographie Simon Beaufils Montage Laurent Sénéchal Avec Sandra Hüller, Swann Arlaud, Samuel Theis, Jehnny Beth, Antoine Reinartz, Milo Machado Graner… Durée 2h31
