“Comandante” : une ode à la fraternité en ouverture de la Mostra de Venise 2023
Le 80e Festival du film de Venise s’est ouvert, ce mercredi soir, avec “Comandante” de l’Italien Edoardo De Angelis. Une tragédie historique qui retrace le sauvetage d’un équipage belge par un sous-marin italien au début de la Seconde Guerre mondiale.
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- Publié le 30-08-2023 à 20h15
- Mis à jour le 05-09-2023 à 23h02
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En étant contrainte de changer son film d’ouverture à cause de la grève à Hollywood, la 80e Mostra del cinema a perdu au change en termes de glamour. Mercredi soir, devant le Palazzo del cinema, les adolescents n’étaient pas massés en nombre pour hurler “Pierfrancesco ! Pierfrancesco ! ”, comme ils l’auraient certainement fait si la magnétique Zendaya était venue présenter Challengers de Luca Guadagnino, comme c’était initialement prévu…
Le public vénitien a découvert au contraire Comandante, une production de prestige italienne portée par une star locale : Pierfrancesco Favino, au sommet de son art depuis quelques films : Le Traître de Marco Bellocchio en 2019, Nostalgia de Mario Martone en 2022 ou, cette année, Dernière Nuit à Milan d’Andrea Di Stefano et Le Colibri de Francesca Archibugi (toujours en salles). Tandis que, samedi après-midi, on le reverra en Compétition sur le Lido dans Adagio de Stefano Sollima.
Accueilli de façon assez mitigée par la presse, Comandante, premier candidat au Lion d’or 2023, revient sur une histoire vraie, qui s’est déroulée au début de la Seconde Guerre mondiale. Pour cette avant-première mondiale, les petits plats ont été mis dans les grands, avec un sous-marin militaire de la même époque que celui du film amarré à deux pas de la place Saint-Marc. Pour son cinquième film, Edoardo De Angelis a en effet bénéficié du soutien actif de la Marine militaire italienne, ravie de promouvoir l’acte de bravoure de l’un des siens, Salvatore Todaro.
Les règles de la mer supérieures à celles de la guerre
Septembre 1940, port de La Spezia, en Ligurie. Todaro (Pierfrancesco Favino) et ses hommes embarquent à bord du sous-marin Cappellini. Leur mission : passer le détroit de Gibraltar pour aller patrouiller dans l’Atlantique, à la recherche de navires ennemis. Quand, le 16 octobre, le Kabalo ouvre le feu sur eux, Todaro ordonne de couler ce navire marchant belge, qui transporte sans doute du matériel de guerre britannique. Même si la Belgique n'entrera officiellement en guerre que quelques jours plus tard…
Contre les consignes de la marine royale italienne, le commandant du Cappellini décide d’appliquer les règles de la mer et de secourir les 26 membres de l’équipage belge, emmené par le capitaine Georges Vogels (campé par l'acteur flamand Johan Heldenbergh). “On coule sans peur de l’acier, mais les hommes, on les sauve”, déclare Todaro. Même si, pour ce faire, son sous-marin va devoir naviguer à la surface durant de longues heures, avec le risque d’être pris pour cible par la marine ou l’aviation britanniques…
Cet acte de bravoure, de pure fraternité au milieu du conflit mondial, Edoardo De Angelis lui confère une aura qui dépasse le simple fait divers historique. Inconnu chez nous, le jeune cinéaste napolitain cherche en effet à dresser un parallèle avec la situation actuelle. Il explique en effet s’être inspiré du discours de l’amiral Giovanni Pettorino à l’occasion du 153e anniversaire des garde-côtes italiens, en 2018. Lequel y dénonçait la politique du gouvernement de Giuseppe Conte, hostile aux ONG venant en aide aux migrants…

Mise en scène opératique
Au-delà de la reconstitution historique efficace et du classique film de guerre immergé — avec des scènes d’intérieur du sous-marin tournées à Cinecitta, mais aussi des scènes sous-marines tournées aux studios aquatiques Lites, à Vilvoorde —, Comandante s’intéresse au parcours intérieur de Salvatore Todaro, à ce qui l’amènera à désobéir aux consignes au nom d’une humanité partagée. Optant pour une mise en scène très lyrique, quasi opératique, Edoardo De Angelis casse toute forme de naturalisme pour souligner le sens du tragique qui frappe ces hommes coincés dans un cercueil flottant. Pour ce faire, l'Italien souligne souvent le trait, en multipliant les références à l’Iliade et à l’Antiquité grecque dans une voix off aux accents littéraires.
C’est quand il revient auprès des hommes que Comandante s’allège et se fait le plus universel. Notamment dans une très belle scène de fraternisation autour des frites belges, que les Italiens découvrent avec étonnement. “Comment se fait-il que nous, Napolitains, qui faisons tout frire, n’y ayons jamais pensé ? ”, s’interroge le chef coq du Cappellini. Avant, sous les consignes des rescapés belges, de cuire quelques bâtonnets de pommes de terre dans du saindoux de porc, n’ayant pas de graisse de bœuf à sa disposition. Et de les distribuer à les marins, Italiens comme Belges, devenus des semblables et non plus des ennemis…

Comandante Drame de guerre De Edoardo De Angelis Scénario Edoardo De Angelis et Sandro Veronesi Photographie Ferran Paredes Rubio Musique Robert Del Naja et Evan Dickinson Montage Lorenzo Peluso Avec Pierfrancesco Favino, Johannes Wirix-Speetjens, Johan Heldenbergh, Luca Chikovani… Durée 2h