Yórgos Lánthimos réveille la Mostra de Venise avec “Poor Things”
Vendredi soir, en Compétition du 80e Festival de Venise, le Lido a enfin vibré avec une relecture du mythe de Frankenstein explosive, emmenée par une Emma Stone totalement libre.
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- Publié le 01-09-2023 à 19h00
- Mis à jour le 05-09-2023 à 22h55
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Vendredi soir, Yórgos Lánthimos faisait son retour en Compétition de la 80e Mostra de Venise avec le flamboyant Poor Things, qui a enfin déclenché l’enthousiasme, après un début de festival en demi-teintes. Cinq ans après avoir obtenu le Grand prix du jury pour La Favorite (qui avait permis à Olivia Colman de décrocher un prix pour son interprétation d'Anne d’Angleterre), le cinéaste retrouve Emma Stone, auquel il offre un très grand rôle.
Accueilli par un tonnerre d’applaudissements par la presse vendredi matin, Poor Things est un de ces ovnis dont Lánthimos a le secret, un conte philosophico-gothique imparable, adapté du roman Pauvres créatures, publié en 1992 par l’écrivain écossais Alasdair Gray (1934-2019) et traduit en français chez Métailié en 2003.
Frankenstein revisité
Avec sa tête de créature de Frankenstein, Godwin Baxter (Willem Dafoe) est un grand chirurgien dans le Londres de la fin du XIXe siècle. Il vit dans une riche demeure avec Bella (Emma Stone), une jeune femme qu’il a ramenée à la vie et qui se comporte comme un bébé. Pour l’aider dans ses recherches, “God”, comme elle l’appelle, a fait appel à l’un de ses étudiants, Max McCandless (Ramy Youssef), chargé de suivre les progrès de la jeune femme. Malgré son retard mental, il tombe sous le charme. Mais alors que leurs fiançailles sont annoncées, Bella préfère partir pour Lisbonne avec l’avocat Duncan Wedderburn (Mark Ruffalo), qui lui promet une vie d’aventure et d’ébats sexuels… Du noir et blanc gothique, on passe alors dans un univers fantaisiste coloré, à mesure que Bella “grandit” et découvre les joies d’être libre d’explorer ses désirs…
Bénéficiant d’une formidable direction artistique, qui recrée un univers surréaliste flamboyant, Poor Things est un merveilleux récit d’apprentissage à la Candide de Voltaire, avec cette héroïne découvrant le monde et l’existence avec des yeux nouveaux et sans aucun filtre social. À mesure qu’elle perd son innocence, Bella découvre la complexité de l’existence humaine, ses joies, mais aussi ses peines.
Débutant comme une relecture classique du mythe de Frankenstein, dans un climat londonien gothique classique, Poor Things progresse, en même temps que son personnage, vers une exploration profonde des grandes questions existentielles. L’Homme peut-il changer ? S’élever ? Ou n’est-il qu’une pauvre créature condamnée à errer sur Terre avant de disparaître sans laisser de traces ?

Fantaisie existentielle
Découverts avec une série de films grecs totalement surréalistes (Canine, Alpis…), Yórgos Lánthimos n’est pas un cinéaste cérébral. Comme dans sa fantaisie historique La Favorite, le réalisateur ne renonce jamais au divertissement, utilisant habilement les codes du film en costumes pour mieux les pervertir.
Très drôle, toujours intelligent, Poor Things est aussi souvent dérangeant, mettant en scène des hommes pas trop dérangés à l’idée de coucher avec une jeune femme dont l’âge mental ne correspond visiblement pas à son corps… Dans ce rôle complexe, en constante évolution, passant de l’enfant à la femme sur la durée du film, Emma Stone est très impressionnante. L’actrice américaine donne de sa personne, dans des scènes souvent dénudées osées, à mille lieues des productions hollywoodiennes auxquelles elle nous avait habitués (que ce soit La La Land du président du jury Damien Chazelle ou le récent Cruella de Disney). La voilà bien placée pour le prix d’interprétation, même si l’actrice, en grève, n’est pas présente à Venise…

Poor Things/Pauvres créatures Conte philosophique De Yórgos Lánthimos Scénario Tony McNamara (d’après le roman d’Alasdair Gray) Photographie Robbie Ryan Musique Jerskin Fendrix Montage Yorgos Mavropsaridis Avec Emma Stone, Willem Dafoe, Mark Ruffalo, Ramy Youssef… Durée 2h